Les droits des photographes dans l’exploitation de leur œuvre sur Internet

 

Avec l’avènement d’Internet et les banques de données, les images déposées ou publiées sur un Blog ou sur un réseau social sont reprises souvent sur différents supports et par différents sites, donnant l’impression que les photographes sont dépossédés des droits sur leur œuvre. Néanmoins, le droit moral sur une image existe et la reprise d’une photo ou vidéo sans l’accord du photographe ou réalisateur peut entraîner des poursuites pour contrefaçon.

 

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Dans les faits, les photos et vidéos publiées sur Internet ont subi une compression numérique qui altère leur qualité ; une exploitation ainsi professionnelle de ces supports de faible résolution reste rare ; néanmoins, rare ne veut pas dire inexistant et c’est pour cette raison que le droit de paternité sur les œuvres existe.

 

Des images qui appartiennent à leur créateur

La loi n’exige aucune formalité, ni dépôt ni enregistrement pour garantir la protection des images. Les œuvres sont ainsi protégées dès leur création, mais pas leur cadrage ou leur concept, les idées étant libres. C’est à dire qu’un photographe ou un réalisateur pourra reprendre une photo en usant la même méthode d’un autre photographe sans se le voir reprocher.

Deux droits encadrent ainsi les photographies en droit français. Néanmoins, mis à part le droit américain qui diffère dans la considération du droit d’auteur, le droit européen tend à se rapprocher du droit français.

  • Le droit patrimonial, qui encadre l’exploitation de l’œuvre.
  • Le droit moral, qui est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.

Ainsi, toute image est créatrice du droit de paternité qui empêche toute reproduction ou représentation d’une image par quelque moyen que ce soit, imprimé ou numérique, à titre gratuit ou payant, sans l’autorisation du photographe ou réalisateur. Le non-respect de cette règle constitue un délit de contrefaçon punissable par le Code pénal.

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Des images qui restent la possession de ceux qui les ont prises

Pour cette raison, chaque image publiée doit se voir affubler du nom du photographe. Même dans le cas où l’image fut une commande par une entreprise qui souhaite y apposer son nom. Et ce, mis à part si le photographe ou le réalisateur est d’accord avec ce principe de substitution de son nom. Dans les faits, l’entreprise doit non seulement respecter l’auteur et accepter de voir figurer son nom partout où son œuvre est exploitée, mais elle doit aussi respecter l’oeuvre… c’est-à-dire que l’auteur peut seul modifier son œuvre ou en autoriser les modifications.

Dans certains cas, sur Internet se trouvent des photographies ou des vidéos avec les inscriptions :« DR » qui signifient droits réservés ou « TDR » qui signifient tous droits réservés. Ces inscriptions sont facultatives puisque le droit d’auteur crée un droit implicite sur les oeuvres. Ces inscriptions signifient juste que les images appartiennent à autrui, mais que autrui n’a pas été désigné, une absence de sa qualité ou de son nom en expliquant son absence de désignation.

Il est important de rappeler que toutes les mentions :« Droits réservés »,« Copyright », « Tous droits réservés » sont dépourvues de valeur juridique et que tout photographe peut demander le rajout de son nom ou la suppression de l’utilisation de la photo ou de la vidéo. C’est également le cas dans les banques d’image, le propriétaire de l’image en gardant toujours le droit d’auteur, même si les créations ne donnent lieu à aucune rémunération.

Les photographes, réalisateurs : amateurs ou professionnels sont ainsi différents des journalistes professionnels, puisque ces derniers, du fait de leur fonction cèdent l’intégralité des droits de leur image à leur entreprise, à la différence des premiers qui restent maîtres de la réutilisation de leurs œuvres sur d’autres supports que le support initial.

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Droits des photographes sur les réseaux sociaux

Les réseaux sociaux ne sont pas un support d’information qui bénéficie d’un traitement différent d’une utilisation des images sur Internet; si les conditions générales de ces réseaux autorisent le partage des captations publiées, en aucun cas ce partage ne saurait couvrir une utilisation non expressément autorisée par le photographe ou le réalisateur et en particulier une récupération de ses images pour des utilisations commerciales ou publicitaires. Tout comme en aucun cas cession est faîte par le biais de cette publication des droits qu’ont les photographes ou réalisateurs sur leurs œuvres aux réseaux sociaux. Et ce même si Instagram a prévu dans ses conditions générales la possibilité d’utiliser les images qui passent par le biais de son réseau.

Dans les faits, le partage des images est rendu possible par les conditions d’utilisation des réseaux sociaux. Mais partage ne signifie pas utilisation en son nom propre. Différence est ainsi fixée par la loi d’un partage d’une publication, procédure autorisée et même conseillée et de l’exploitation de cette publication en faisant croire qu’elle appartient à celui qui la publie une deuxième fois sous son nom.

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Distinction entre la cession des droits et autorisation de reproduction

Car, ce que les photographes et réalisateurs ne doivent pas oublier, c’est la distinction entre la cession des droits et autorisation de reproduction.

La cession des droits est une transmission patrimoniale des droits d’une œuvre, donc un transfert de propriété des droits patrimoniaux : droit de reproduction et droit de représentation d’un auteur à un tiers. Néanmoins, cette cession ne pourra jamais retirer la paternité de l’œuvre à son auteur et devra toujours être limitée dans le temps, à la différence du Copyright américain. Elle ne prive pas pour autant l’auteur de pouvoir utiliser sa création dans un autre contexte, mis à part si une exclusivité a été cédée en même temps que les droits de reproductions. Ces conditions ne concernent pas les situations où le photographe ou le réalisateur est un journaliste professionnel travaillant pour une entreprise de presse, qui lui cède l’entièreté de ses droits patrimoniaux à l’entreprise l’employant.

Par contre, une autorisation de reproduction n’est qu’une autorisation ponctuelle d’utilisation de ses œuvres qui ne s’assimile pas à une cession de droits.

Dans tous les cas, une cession de droit nécessite la signature d’un contrat mentionnant la durée d’exploitation de l’œuvre ainsi que l’énumération de tous les supports dans lesquels elle sera reproduite.

Ces contrats devront faire apparaître également les éléments suivants : définition du contrat, définition des prises de vue effectuées, remise des prises de vues, propriété et dépôt des films originaux, cession des droits d’auteur, droits et obligation des parties, conditions de rémunération, conservation, résiliation du contrat.

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Une procédure de contestation qui doit répondre à certains critères

Dans tous les cas, un photographe ou un réalisateur qui s’estime lésé dans l’utilisation de ses œuvres doit entrer dans un processus précis de judiciarisation.

Le délit de reproduction d’une œuvre s’assimile à de la contrefaçon. Il convient de toutefois préciser que la majeure partie des cas, les demandeurs décideront de passer par une procédure civile pour faire valoir leurs droits et ainsi de se passer du juge pénal pour plusieurs raisons : faiblesse de l’indemnisation au pénal, absence de spécialisation des juges pénaux, durée des procédures. Les demandeurs leur préfèreront l’intervention du juge civil.

Les Sanctions pénales sont néanmoins prévues par les articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. Ainsi : « Toute édition d’écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit. La contrefaçon en France d’ouvrages publiés en France ou à l’étranger est punie de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. Seront punis des mêmes peines le débit, l’exportation et l’importation des ouvrages contrefaisants. Lorsque les délits prévus par le présent article ont été commis en bande organisée, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 500 000 euros d’amende. » Les sanctions pénales tendent donc à s’appliquer aux cas de contrefaçons en matière de propriété littéraire et artistique.

Il convient également de préciser que la prescription d’action est de six ans à compter du jour où l’infraction a été commise d’un point de vue pénal et cinq ans d’un point de vue civil.

 

  • Saisie de la Cnil

Dans un premier temps, la personne peut contacter le responsable du site (réseau social, blog, magazine, journal) sur lequel est publiée l’image. Si cette démarche n’aboutit pas dans un délai de deux mois ou en cas de réponse insatisfaisante, elle pourra saisir gratuitement la Cnil pour contester la diffusion de son image.

La Cnil, Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés est une structure étatique qui veille à ce que l’informatique ne porte pas atteinte aux libertés, aux droits, à l’identité humaine ou à la vie privée.

Néanmoins, si elle peut demander à ce qu’une image soit effacée, la Cnil n’aura pas le même pouvoir envers les sites professionnels et les sites non professionnels, à l’instar des Blogs ou des sites non commerciaux.

Sites professionnels

Si le photographe ou le réalisateur contacte la Cnil pour un manquement à ces obligations ou si le site en question refuse d’accéder à la demande de suppression de la captation, la Cnil pourra prononcer plusieurs types de sanction : avertissement, injonctions, sanctions pécuniaires pouvant aller jusqu’à 75 000 euros d’amende pour les personnes physiques et 375 000 euros d’amende pour les personnes morales.

Sites privés

Si le site refuse d’accéder à la suppression d’une captation, la Cnil a malheureusement peu de pouvoir et dans les faits, les amendes pécuniaires sont rares voire inexistantes. Mais tout comme il est rare que les sites contactés refusent d’accéder à la demande de la personne qui souhaite voir disparaître une publication.

Cependant, et c’est ce qui concerne les captations publiées sur les réseaux sociaux, le photographe ou le réalisateur qui s’estime lésée peut contacter directement les groupes sur lesquels les publications incriminées apparaissent, tels que Google, Youtube, Instagram, Twitter ou Facebook. Ces derniers, assez réactifs lorsqu’il s’agit du délit de contrefaçon accèderont généralement aux demandes allant en ce sens.

 

  • Saisie d’un juge en référé

Si la saisie de la Cnil n’a rien donné et que l’image publiée entraîne la création d’un grave préjudice, possibilité est donnée au photographe ou au réalisateur de saisir en référé le juge civil afin d’obtenir le retrait des images litigieuses, tout en se voyant octroyer des dommages et intérêts en réparation du préjudice subit ainsi que le remboursement de ses frais d’avocat.

 

  • Saisie du juge civil

La procédure en référé ne s’attaque pas au fond de l’affaire mais est utilisée afin de faire cesser rapidement l’exercice d’un dommage. Par contre, le photographe ou le réalisateur aura la possibilité de saisir le juge civil afin de s’attaquer au fond de l’affaire et demander l’octroi de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

 

  • Saisie du juge pénal

Dans le cas d’une contrefaçon, le photographe ou le réalisateur pourra déposer une plainte pénale, soit directement en saisissant le procureur de la République, soit en s’adressant à un commissariat de police ou de gendarmerie qui ne pourra refuser de prendre la plainte.

Néanmoins, si la photo litigieuse a été retirée en amont de la plainte, il est peu probable que des poursuites soient engagées par le ministère public.

 

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