Au cœur de la Méditerranée, la Sardaigne se dévoile comme une île sauvage et envoûtante, où la nature, les traditions et l’histoire se conjuguent dans une harmonie unique. Nous avons eu la chance d’y passer plusieurs jours pour vous faire découvrir les incontournables de cette terre de montagnes abruptes, de plages infinies et de villages ancestraux.
Alors que nous avions pu visiter l’Italie et la Sicile, depuis des années, la Sardaigne flottait dans notre esprit comme une île lointaine, un fragment de Méditerranée préservée, un monde à part que seuls les voyageurs curieux prenaient le temps d’explorer. Une île façonnée par les vents marins, posée entre l’Italie et l’Afrique, bercée par les eaux cristallines et les traditions millénaires. Un bout du monde méditerranéen où les montagnes, les falaises, la mer et le ciel se mêlent dans un spectacle de lumière éclatante.
Pourtant, la réalité est tout autre. Cette île que nous imaginions si lointaine, n’est en fait qu’à un peu plus d’une heure de vol de la France continentale. Une heure à peine pour passer du tumulte des villes à une nature brute, sauvage et profondément authentique, où les oliviers centenaires, les nuraghes et les criques secrètes attendent le visiteur.
Ainsi, au moment où nous avons franchi le pas, l’envie de découvrir la Sardaigne n’a fait que grandir chaque jour, nourrie par des images de montagnes aux courbes majestueuses, de plages désertes bordées de dunes, de villages figés dans le temps et de forêts mystérieuses où résonne le chant du vent. Nous rêvions de routes perdues serpentant à travers des paysages désertiques, de troupeaux de moutons traversant nonchalamment les chemins, de soirées à l’ombre des lauriers-roses, et d’églises romanes oubliées. La Dolce Vita à l’Italienne. Un peu comme la Corse, le visage du pays figé dans le passé, avec un sens inébranlable de l’hospitalité et de la générosité.
La Sardaigne évoque pour nous un voyage hors du temps, une échappée belle dans un monde où la lenteur est encore une valeur précieuse, une terre d’authenticité, loin des itinéraires balisés. Alors nous avons décidé de partir. Plus qu’un voyage, ce fut une plongée dans l’essentiel, une invitation à ralentir, à contempler et à ressentir. Nous voulions profiter de la chaleur du soleil sur notre visage, écouter le silence des plages désertes, parcourir des vallées solitaires où la nature règne encore sans partage. Nous voulions arpenter cette île où le minéral, le végétal et l’humain composent ensemble une œuvre subtile et éternelle.
Alors, nous nous renseignons, nous préparons notre itinéraire. Mais la recherche n’est pas simple. Trop de sources détaillées, trop d’informations divergentes : souvent, les informations se limitent à quelques adresses touristiques sans âme. Nous tombons bien sur des blogs, sur des articles, mais ils survolent les lieux, les conseils pratiques, et chaque lecture laisse un goût d’inachevé, une impression de n’avoir rien découvert en profondeur.
Située entre la Corse et les côtes tunisiennes, la Sardaigne est la deuxième plus grande île de la Méditerranée, couvrant une superficie de 24 000 km². Elle abrite environ 1,6 million d’habitants, répartis entre Cagliari, la capitale au sud, Sassari au nord, et une myriade de villages et de bourgs perchés dans les montagnes ou blottis le long des côtes. Une île immense, diverse et fascinante, où chaque région a ses paysages, ses saveurs et son caractère propre, et où le voyageur avide d’authenticité trouvera mille raisons de s’émerveiller.
Avant d’entamer notre aventure en Sardaigne, nous recherchons minutieusement un vol combinant rapidité et tarif avantageux. Après plusieurs comparaisons, nous trouvons la solution idéale : un vol direct depuis Charleroi avec Ryanair, pour seulement 150 euros aller-retour. En deux heures à peine, nous voilà prêts à changer complètement de décor. Pour optimiser notre budget, nous réservons également des appartements, à raison d’environ 40 euros la nuit pour trois personnes, un excellent compromis entre confort, liberté et immersion locale.
La Sardaigne, immense, plus grande que la Corse, nous oblige à planifier nos déplacements avec soin. Nous dessinons ainsi un itinéraire en quatre grandes étapes : la première nuit à Galtellì, un village authentique entre mer et montagne ; la deuxième à Cagliari, capitale vibrante au sud de l’île ; la troisième à Pula, entre vestiges romains et plages dorées ; et enfin, les dernières nuits à Badesi, au nord, dans une région de collines parfumées et de plages sauvages.
Rapidement, nous réalisons qu’il faudra faire des choix tant la Sardaigne regorge de sites archéologiques. Plus de 300 nuraghes, parfois célèbres, parfois abandonnés au milieu des champs, jalonnent l’île. Chaque détour peut révéler un trésor oublié : un village antique envahi par la végétation, une tombe des géants surgissant au détour d’un chemin de terre, un puits sacré ignoré des circuits touristiques.
Pour nous déplacer, nous optons pour une location via BSP Auto, en choisissant un SUV automatique, idéal pour affronter les routes sinueuses et parfois escarpées des îles Féroé. Avec ses routes panoramiques montagneuses offrant des vues imprenables sur l’océan et les falaises abruptes et ses petits villages, le choix d’un véhicule automatique est une évidence.
La gastronomie est devenue très vite l’un des plaisirs essentiels de notre séjour. Partout, même dans les petits villages, nous avons trouvé des cafés et restaurants accueillants où savourer un cappuccino et un croissant croustillant dès le matin. À midi ou le soir, nous nous sommes ainsi laissés tenter par les spécialités locales, mélange raffiné de cuisine sarde et italienne. Néanmoins, pour réussir son séjour d’un point de vue culinaire, il faut prendre en compte et accepter quelques différences avec la France. Et parmi ces différences, le coperto (le couvert) est la règle : environ 3 euros par personne s’ajoutent à l’addition. Cette somme englobe le pain, les épices et l’emplacement. Il ne se donne qu’au restaurant et non dans les cafés, les bars et les restaurants rapides. De plus, la viande ou le poisson sont généralement servis seuls, il faut penser à commander un accompagnement séparément. Ces petites habitudes locales n’enlèvent rien au plaisir de déguster des plats exquis, préparés avec des produits frais, parfumés aux herbes sauvages et à l’huile d’olive. |
Ce guide ne se contente pas de suivre les grandes lignes tracées par les brochures touristiques. Il propose de plonger dans l’âme véritable de la Sardaigne : celle des nuraghes perdus, des sentiers oubliés, des plages sans nom et des villages aux fêtes secrètes. Au-delà des lieux emblématiques, c’est une île brute et splendide que nous nous apprêtons à explorer et que nous souhaitons vous faire partager.
Que vous soyez passionnés d’histoire, amateurs de nature sauvage, amoureux des bonnes tables ou tout simplement curieux, cet article promet d’être une expérience profonde, vraie et inoubliable. La Sardaigne s’ouvre à vous comme un livre ancien, dont chaque page dévoile un nouveau secret.
Pour les lecteurs intéressés de découvrir en images notre voyage en Sardaigne, n’hésitez pas à vous rendre sur notre récit de voyage photographique, composé de près de 1800 photos qui successivement, vous montre le vrai visage de cette île surprenante.

Une escapade méditerranéenne
Notre périple débute à Charleroi, dans ce petit aéroport que nous connaissons bien et que nous apprécions pour sa simplicité. La file d’embarquement avance rapidement, et malgré l’heure matinale, l’excitation du départ chasse toute trace de fatigue. Nous embarquons à bord d’un vol Ryanair, impatients de rejoindre Olbia, au nord de la Sardaigne. Le vol est direct, court, à peine deux heures, mais il suffit à nous propulser dans une toute autre atmosphère. À travers les hublots, les paysages belges laissent place à une étendue bleue infinie : la Méditerranée.
Le voyage se déroule agréablement. L’ambiance à bord est détendue, les conversations s’effilochent doucement dans le ronronnement des moteurs. À mesure que nous approchons de la Sardaigne, nous ressentons un mélange d’impatience et de curiosité. L’idée de fouler une terre si riche en histoire et en paysages nous enchante déjà. Lorsque l’avion amorce sa descente, nous distinguons les côtes sauvages, les collines couvertes de maquis, et les plages dorées qui bordent l’île. Ce premier aperçu est comme une promesse.

Nous atterrissons à Olbia, dans un petit aéroport lumineux et paisible. Dès la sortie de l’avion, l’air nous semble différent : plus doux, plus parfumé. À l’intérieur du terminal, tout est fluide, sans stress ni précipitation. Nous profitons de ce moment suspendu pour nous installer dans un café du hall. Debout face à de larges baies vitrées, un expresso serré entre les mains, nous savourons cette première pause italienne. L’atmosphère est à la fois décontractée et joyeuse ; les voyageurs se croisent avec des sourires complices, comme s’ils partageaient un secret : celui de l’île qui nous attend.
Ragaillardis, nous nous dirigeons vers les comptoirs de location de voitures. L’accueil est chaleureux, à l’image de la Sardaigne que nous imaginions. Au comptoir d’Europcar, nous faisons la connaissance de Christiano, un jeune employé au sourire franc et au regard pétillant. Nous lui remettons la réservation que nous avons effectué avec BSP auto. Il nous annonce une surprise : pour le même prix, il nous surclasse en Audi Q3, flambant neuve, avec seulement 12 kilomètres au compteur. Nous nous regardons, ravis, presque incrédules devant ce coup de chance inattendu.
Christiano prend le temps de nous expliquer avec patience le fonctionnement du véhicule, tout en nous glissant quelques conseils sur les plus belles routes à emprunter. Son accent chantant et son enthousiasme communicatif nous mettent tout de suite dans l’ambiance du voyage. Ce premier contact avec l’hospitalité sarde nous laisse déjà une impression de chaleur humaine authentique, celle qu’on ne force pas, celle qui vient du cœur.

Clés en main, nous récupérons notre véhicule et quittons enfin le parking de l’aéroport, le soleil brillant au-dessus de nous. Les premiers kilomètres sur le sol sarde sont marqués par une joie tranquille, une sensation de liberté pure. L’Audi file silencieusement sur l’asphalte, tandis que défilent les premiers paysages de collines, d’oliviers argentés et de cyprès altiers.
À cet instant précis, nous savons que notre aventure peut réellement commencer. La Sardaigne s’étend devant nous, immense et mystérieuse, prête à se dévoiler au fil de nos pas et de nos rencontres.

La Tombe des Géants de Su Mont’e s’Ab
Notre voyage débute dans l’arrière-pays d’Olbia, au milieu des collines baignées de soleil. La chaleur enveloppe les pierres anciennes lorsque nous arrivons devant la Tombe des Géants de Su Mont’e s’Abe. Le silence règne, seulement troublé par le chant des cigales. D’un pas décidé, nous arpentons un petit chemin qui nous donne une magnifique vue sur un vieux fort semblant protéger de sa présence le paysage environnant et rejoignons le site de la tombe dans lequel nous entrons gratuitement, sans contrôle.


Nous nous approchons de l’immense stèle brisée, vestige imposant d’une foi ancestrale. Le granit, patiné par des millénaires, semble encore vibrer des prières oubliées de ceux qui, y célébraient la vie et la mort. Face à cette architecture monumentale, un sentiment d’humilité nous saisit.

Nous marchons lentement le long de la tombe, fascinés par ses proportions grandioses, avec ses près de 28 mètres de longueur. La structure semi-enterrée évoque pour nous un passage, une matrice dans laquelle les vivants déposaient leurs morts pour le grand voyage. Sous nos pieds, la terre abrite encore les secrets d’une communauté qui honorait ses ancêtres avec un respect infini. La forme de l’exèdre, évoquant une tête de taureau, ajoute au mystère : un symbole puissant de fertilité et de protection. Nous nous imaginons les anciens rituels, les chants portés par le vent, les danses autour de ces pierres sacrées.

En levant les yeux vers les collines avoisinantes, nous apercevons les silhouettes lointaines du nuraghe Riu Mulinu et du puits sacré de Sa Testa. Le paysage est parsemé de ces témoins du passé nuragique, et nous ressentons alors une étrange connexion avec une civilisation disparue, comme si chaque pierre portait encore l’empreinte d’une mémoire commune. Le temps semble suspendu, entre ciel, terre et esprit, perturbé seulement par les explications d’une guide à son groupe constitué de visiteurs qui profite tout comme nous de ce décor historique.

Le Capo Ceraso
Notre périple se poursuit vers les rivages lumineux du nord-est de l’île. Après un off-road sur un chemin abîmé et cahoteux, nous tentons un demi-tour hasardeux et abandonnons notre véhicule. Dès l’instant où nous atteignons Capo Ceraso, un souffle de liberté nous envahit. Devant nous, le granit rosé surgit des flots dans une explosion de lumière, sculpté par les vents et la mer. Le maquis méditerranéen, dense et odorant, nous enveloppe. Chaque pas sur le sentier rocailleux est une aventure, chaque détour révèle une nouvelle crique, une nouvelle perspective. L’air salin emplit nos poumons, vivifiant et brut.


Au sommet du mont Maladromì, à 219 mètres d’altitude, la vue nous coupe littéralement le souffle. À gauche, les rivages intérieurs du golfe d’Olbia s’étendent jusqu’à Punta Ruja, ourlés de plages secrètes. À droite, la silhouette majestueuse de l’île de Tavolara se découpe contre le ciel azur, encadrée par Capo Figari et Capo Coda Cavallo. Devant ce panorama saisissant, nous restons silencieux, saisis par la puissance immémoriale de ce paysage.

Redescendant doucement par d’anciens chemins militaires, nous découvrons de petites baies aux eaux translucides. Punta Trofino, Cala sa Figu, Sos Pazziseddos, autant de noms qui évoquent des trésors cachés. Dans ces criques naturelles, les oliviers sauvages et les chênes-lièges résistent au vent, enracinés avec ténacité dans la pierre. La simplicité et la beauté de ces paysages nous remplissent d’une gratitude profonde.

La Spiaggia di Capo Coda Cavallo
Notre chemin nous conduit ensuite vers la splendide Spiaggia di Capo Coda Cavallo. L’arrivée sur la presqu’île est presque magique : la langue de terre granitique s’avance dans la mer Tyrrhénienne, semblant défier l’horizon. Autour de nous, la végétation exulte : lentisques, genévriers et arbousiers embaument l’air chaud. À chaque détour du sentier, la mer apparaît, éclatante, étincelante sous le soleil.

La plage principale s’étale devant nous, éclatante de blancheur, baignée par des eaux turquoise d’une clarté irréelle. Nous marchons pieds nus sur le sable tiède, éblouis par les nuances infinies du bleu marin. Plus loin, nous distinguons Salina Bamba, Baia Salinedda, Cala Suaraccia et Cala Brandinchi, chacune promettant une aventure différente, entre isolement sauvage et confort discret.


Au fur et à mesure de notre découverte, l’atmosphère devient féerique. Le promontoire que nous rejoignons ensuite en voiture se nimbe de teintes dorées, et la mer, doucement, reflète le ciel en feu.

La Cala Brandinchi
Notre halte suivante nous mène à Cala Brandinchi, ce joyau surnommé « Tahiti » pour ses couleurs paradisiaques. En cette hors-saison, le parking est gratuit. Nous ne nous privons pas de cette économie substantielle et rejoignons la plage sur laquelle trône le petit cabanon d’un vendeur qui en cette journée ensoleillée a même sorti chaises et tables. Dès l’instant où nous posons les yeux sur la plage, nous sommes submergés par l’éclat irréel du sable, si blanc qu’il semble irréel, et les eaux translucides aux dégradés de turquoise. Les pins odorants bordent la baie, offrant une ombre bienfaisante sous le soleil éclatant.

Nous nous laissons tenter par une baignade dans cette mer accueillante. Chaque mouvement révèle des poissons colorés, des jeux de lumière sous l’eau. Flottant à la surface, nous contemplons la silhouette massive de l’île de Tavolara qui, majestueuse, domine le paysage. Ici, tout appelle à la quiétude, à l’émerveillement silencieux.

La beauté de Cala Brandinchi est d’autant plus saisissante qu’elle semble protégée, préservée. Plus au nord, nous découvrons Lu Impostu, sa plage jumelle, séparée par un fin promontoire. Plus loin encore, La Cinta et la lagune de San Teodoro déroulent leur écrin naturel, où flamants roses et hérons évoluent en liberté. Nous prenons conscience que nous sommes au cœur d’un équilibre fragile, qu’il nous appartient de respecter.

Lagune de San Teodoro
Nous arrivons à la lagune de San Teodoro, baignés par une lumière douce qui fait scintiller l’eau dormante. Très vite, nous sommes enveloppés par une sensation d’apaisement, comme si la nature nous murmurait de ralentir. Devant nous, la lagune déploie son immense étendue d’eau saumâtre, parsemée de tamaris et de petites îles flottantes où nichent également à certaines périodes de l’année, d’élégants flamants roses.


À mesure que nous avançons sur les passerelles en bois, le clapotis discret de l’eau et les cris lointains des oiseaux rythment nos pas. Nous suivons des sentiers bien aménagés qui serpentent à travers les roseaux, offrant des points de vue superbes sur la lagune. Là, un héron cendré s’élève lentement dans le ciel ; ici, un martin-pêcheur file comme une flèche bleue au ras de l’eau, et nous restons suspendus à cette magie fragile du vivant.


Chaque halte sur ce pont nous plonge davantage dans la contemplation. Nous découvrons que la lagune, au-delà de sa beauté, est un sanctuaire écologique protégé, vivant au rythme des marées et des migrations. Nous respirons profondément, happés par la pureté de l’air, par ce silence habité que seuls quelques battements d’ailes viennent troubler. Ainsi que le jeu de plusieurs enfants, qui à leur jeune âge acquièrent la mauvaise foi de leurs aînés footballeurs où une faute n’est jamais reconnue à la hauteur de sa gravité.

Posada
Nous apercevons Posada de loin, silhouette ocre dressée sur sa colline, comme surgie d’un conte ancien. En gravissant les ruelles pavées qui grimpent vers le château de la Fava, nous ressentons la joie enfantine de l’explorateur découvrant un trésor caché. Le village est un labyrinthe de maisons de pierre, de porches fleuris, d’escaliers étroits qui invitent à la flânerie.

Le château de la Fava, perché tout en haut, nous accueille avec ses murailles rongées par le temps. Nous montons jusqu’à ce qu’une grille nous empêche d’aller plus loin ; le souffle un peu court, nous nous laissons submerger par la vue spectaculaire : la vallée du Rio Posada, les plages dorées, les montagnes à l’horizon. L’air chaud transporte des parfums de myrte et d’olivier sauvage, et nous avons l’impression de voler au-dessus de la Sardaigne.

Dans le centre du village, nous découvrons l’église Sant’Antonio Abate, sobre et silencieuse, son clocher blanc pointant vers le ciel bleu. Plus loin, des petites chapelles solitaires, perdues dans la végétation, nous parlent d’une foi discrète mais profonde, enracinée dans cette terre.

Nous terminons notre promenade sur la plage de Su Tiriarzu. Pieds dans le sable fin, nous écoutons le va-et-vient des vagues qui s’écrasent doucement sur la rive. La mer est d’une transparence irréelle, et nous nous baignons dans une eau fraîche et pure, le cœur empli d’une gratitude immense pour cette beauté préservée.

Site archéologique Su Picante (Tomba di Giganti)
Nous quittons la route principale pour emprunter un chemin de terre, secoué par les pierres, entourés par le parfum entêtant du maquis. L’excitation monte alors que nous apercevons enfin les vestiges de Su Picante, la Tomba di Giganti blottie entre ciel et garrigue. Nous avançons en silence, presque religieusement, happés par la solennité du lieu.

À mesure que nous faisons le tour du site, désert et accessible librement, nous découvrons les subtilités de son agencement : l’allée centrale, les chambres latérales, les niches mystérieuses. Le soleil éclaire les pierres d’une lumière dorée, et chaque détail semble chargé de sens. Nous nous asseyons un moment à l’ombre rare d’un genévrier, imprégnés de cette atmosphère hors du temps.

La tombe se dresse devant nous, monumentale, avec son arc de pierres massives et sa stèle centrale dressée vers le ciel. Nous posons nos esprits sur ces blocs millénaires, rugueux sous nos doigts, et ressentons physiquement l’étrange énergie de cet endroit. En cet emplacement, il y a plus de 3000 ans, des hommes ont bâti ce sanctuaire pour honorer leurs morts, et cette mémoire semble flotter autour de nous.

Galtellì
Nous arrivons à Galtellì en fin d’après-midi, alors que le soleil nimbe le village d’une lumière dorée. Dès les premiers pas dans ses ruelles, nous ressentons un apaisement profond, une impression d’avoir franchi un seuil invisible vers un autre temps. Le silence y est habité, ponctué seulement par les cris lointains d’enfants et le chant des oiseaux. Les maisons basses, blanchies à la chaux, nous enveloppent dans leur fraîcheur rassurante.

Notre premier arrêt concerne au centre du village, sur une petite colline basaltique, le château de Malicas, une ancienne résidence datant de 1900, propriété de Paolo Guzzetti, un noble d’origine lombarde qui, fasciné par les beautés naturelles et paysagères de Galtellì, décida d’y établir sa résidence d’été et de chasse. Vers 1987, le château a été acheté par la municipalité, ainsi qu’une partie du terrain entourant la structure, qui est aujourd’hui le parc municipal de Malicas.
Le château est aujourd’hui devenu un hôtel. En face et à l’intérieur du parc de Malicas se trouve la nécropole du même nom, composée de sept domus : cinq sont situées à l’extérieur du parc, dont trois sont toutes dans un seul groupe ; deux sont situées isolées à l’intérieur du parc, dont une juste sous le château.

Notre découverte se poursuit par l’église San Pietro. Dès l’entrée, nous sommes saisis par la beauté simple des fresques médiévales, véritables joyaux cachés. Les scènes bibliques, aux couleurs patinées par les siècles, nous émeuvent profondément. Nous restons de longues minutes devant ces visages figés dans la pierre et la peinture, ressentant tout le poids de l’histoire qui semble vibrer dans les murs épais.
Nous poursuivons notre exploration vers l’église della Beata Vergine Assunta. Sous ses voûtes sobres, baignant dans une douce pénombre, nous ressentons une grande sérénité. Les bancs de bois usés, la simplicité du lieu, les quelques fleurs fraîches posées sur l’autel : tout ici respire une foi humble, enracinée, sans fard. Nous nous asseyons quelques instants, laissant le calme du sanctuaire infuser nos pensées.

À quelques rues de là, nous découvrons l’église du Saint Crucifix, dans les bâtiments ayant abrité l’ancien parlement de la ville, un bijou discret dans son écrin de pierres anciennes. L’atmosphère est presque irréelle : une lumière douce pénètre par une petite fenêtre, éclairant la figure du Christ crucifié, vénéré depuis des siècles par les habitants du village. Nous ressentons une émotion sourde, comme une présence silencieuse mais puissante. A l’extérieur, face à la l’hôtel de ville, deux jeunes garçons sont assis, le visage rivé sur leurs écrans de téléphone.


Nous empruntons ensuite les ruelles pavées pour rejoindre l’église Santa Maria delle Torri. Dominant légèrement le village, son clocher s’élève fièrement vers le ciel limpide. Nous entrons dans la fraîcheur du bâtiment, découvrant un autel orné avec soin, et des fresques racontant la vie des saints. Une atmosphère de solennité joyeuse flotte dans l’air, et nous échangeons un sourire complice, heureux d’être ici, loin de toute agitation.
En poursuivant notre promenade, nous tombons par hasard sur la maison-Musée Grazia Deledda, hommage à la célèbre écrivaine sarde. En poussant la porte, nous avons l’impression d’entrer dans une maison encore habitée. Les objets du quotidien, les meubles, les manuscrits exposés nous plongent dans l’univers intime de celle qui porta si haut la voix de la Sardaigne. Nous ressentons un immense respect pour cette femme dont l’œuvre transpire l’âme même de son île natale.
L’ancienne cathédrale de San Pietro, datant de la fin du XIe siècle, se dresse à l’intérieur des murs du cimetière. Ce complexe ecclésiastique, qui abrite également un haut clocher et une église romane, présente un exceptionnel cycle de fresques du XIIIe siècle représentant des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament, non loin d’un monument dédié au vent.


Notre soirée à Galtellì : entre rencontres, saveurs et douceur sarde
Après notre découverte de la ville, nous rejoignons notre hébergement, l’Antico Borgo. Dès notre arrivée, nous sommes accueillis avec une chaleur rare par le propriétaire Francis : un petit homme à la barbe noire, le regard brillant d’intelligence et de gentillesse. Son français est impeccable, ce qui nous surprend agréablement. Très vite, nous nous sentons à l’aise, comme reçus par un vieil ami.

Il nous offre un verre de vin rouge, corsé et parfumé, que nous savourons. Assis sous une arbre fleuri, nous laissons nos regards se perdre sur les toits de l’établissement, baignés par la lumière dorée du soir. L’atmosphère est douce, presque irréelle, et le prix modeste de la chambre : seulement 32 euros, nous semble dérisoire pour un lieu aussi plein de charme et de simplicité.
Le propriétaire se révèle être un véritable érudit. Entre deux éclats de rire, il nous conte ses voyages dans le Pacifique, évoquant des îles lointaines aux noms exotiques, chacune empreinte d’une atmosphère différente. Nous écoutons, captivés, son récit vivant, riche de détails et de sensations. Ses yeux brillent d’une passion communicative. Nous sommes fascinés par cette rencontre inattendue, aussi précieuse que rare.

Après cet échange plein d’authenticité, il nous propose de dîner dans un restaurant qu’il nous recommande vivement : Il Ritrovo. À peine quelques minutes de marche, et nous voici installés à une table accueillante, dans une salle conviviale où flotte une délicieuse odeur de pain chaud et de sauce tomate mijotée.
Nous commandons sans hésiter les cullurgiones, ces fameux raviolis sardes farcis de pommes de terre, de menthe et de fromage pecorino. Dès la première bouchée, nous ressentons une explosion de saveurs : la pâte est tendre, la farce délicate, parfumée d’une touche de fraîcheur inattendue. Nous fermons les yeux un instant, savourant ce goût simple et parfait, qui nous relie à la terre généreuse de Sardaigne.
En complément, nous partageons deux pizzas, dont une calzone moelleuse et dorée à souhait. La pâte, légère et croustillante à la fois, semble s’être imprégnée des arômes puissants du four à bois. Chaque morceau fond littéralement sous notre palais, et nous nous regardons en souriant, complices, ravis de tant de gourmandise partagée.
La soirée file ainsi, entre bouchées délicieuses et éclats de rire, dans une atmosphère de bonheur simple et sincère. Autour de nous, les conversations s’animent doucement, les familles du village se retrouvent pour leur repas du soir, et nous avons le sentiment d’être, pour un instant, devenus nous aussi un peu Galtellesi.
Lorsque nous regagnons l’Antico Borgo, la nuit est tombée sur la ville, enveloppant ses ruelles d’un voile de mystère et de douceur. Nous marchons lentement, le cœur léger, savourant encore la magie discrète de cette soirée hors du temps.

Orosei
Le lendemain matin, nous arrivons à Orosei sous une pluie battante, portés par une douce brise marine. Dès les premiers pas dans le centre ancien, un sentiment d’enchantement nous envahit. Les ruelles pavées serpentent entre des maisons en tuf aux tons chauds, où le silence est parfois brisé par le cliquetis discret d’un volet ou les éclats de voix d’un café animé. Chaque tournant semble cacher un trésor. Nous nous laissons porter jusqu’à la majestueuse église de San Giacomo, dont la silhouette imposante veille sur la ville. L’émotion nous étreint lorsque nous franchissons le seuil : l’odeur de cire, les pierres polies par les siècles, les fresques effleurées par la lumière.
En explorant plus avant, nous découvrons la sobre élégance de l’église du Rosaire, dont la façade blanche se détache sur le ciel intense. Chaque détail respire une dévotion ancienne. Non loin de là, nous empruntons un chemin de campagne bordé d’oliviers pour rejoindre le sanctuaire de Notre-Dame du Remède (Nostra Signora del Rimedio). Plus discrète mais toute aussi poignante, l’église des Âmes (delle Anime) nous accueille dans un recueillement absolu, bercés par les souvenirs des rituels du Vendredi saint. N
Notre chemin se poursuit vers l’église de Sant’Antonio Abate, où la fresque médiévale du XIVe siècle, bien que partiellement effacée par le temps, nous captive littéralement. Nous devinons, derrière ces traits hésitants, l’ombre des juges d’Arborea d’antan. Non loin de la tour éponyme.



À quelques rues de là, San Giovanni Battista nous surprend par son allure rustique, comme née du même calcaire que la terre environnante. Nous flânons ensuite jusqu’à l’église de la Pietà, avec son autel baroque qui semble danser sous les rais de lumière, et vers San Gavino, modeste témoin de l’architecture romane locale.
Loin de se limiter à ses édifices religieux, Orosei nous ouvre les portes de ses trésors profanes. Nous visitons avec émerveillement le musée Guiso, où marionnettes anciennes et costumes traditionnels racontent d’autres facettes de l’âme sarde. Notre balade nous mène ensuite au fleuve Cedrino, dont les méandres paisibles invitent à la contemplation et à la rêverie. Sur les rivages, nous découvrons les vastes étendues dorées de Marina di Orosei, Su Barone et Osalla, où le vent sculpte les dunes et la mer décline mille nuances de bleu. Il nous semble flotter hors du temps, baignés par la beauté intacte de ces paysages.


Grotte de Ispinigoli
Après avoir constaté que la pluie s’est levée, nous décidons de partir à la découverte de la célèbre grotte de Ispinigoli, à quelques kilomètres de Dorgali. La route, encore légèrement humide, serpente entre les collines, et après une vingtaine de minutes, nous atteignons le parking de la grotte. Une fois la voiture garée, nous remarquons qu’il nous faut gravir un long escalier de pierre pour rejoindre l’entrée et la guide, qui organise des visites guidées toutes les heures. À peine dix minutes d’attente suffisent pour voir affluer près de 50 personnes, signe de la popularité du site même hors saison.

À l’heure précise, la visite commence : nous descendons un nouvel escalier, cette fois creusé dans la roche, pour pénétrer dans la grotte. Dès les premiers pas, nous sommes saisis par la fraîcheur ambiante et l’écho discret de nos pas. Face à nous se dresse la spectaculaire colonne stalagmitique de 38 mètres de haut, l’une des plus hautes d’Europe. Reliant sol et plafond d’une seule traite, elle donne à la salle principale des airs de cathédrale minérale. Les murs sont recouverts de concrétions aux formes étranges, délicates comme des voiles ou massives comme des piliers antiques.

La descente continue, suivant 280 marches soigneusement taillées, jusqu’à la base de la colonne. Le jeu des lumières savamment disposées révèle toute la palette de couleurs naturelles : ocres, beiges, ors et bruns se mêlent dans une harmonie silencieuse. Ici, le temps semble suspendu, et chaque stalactite, chaque stalagmite, raconte l’histoire millénaire de cette grotte formée goutte après goutte. La température constante de 15°C ajoute à l’atmosphère feutrée et mystérieuse.


Mais Ispinigoli n’est pas qu’un chef-d’œuvre géologique : elle est aussi un site archéologique majeur. En effet, un ancien puits sacrificiel phénicien, découvert au fond de la cavité, recélait des restes humains, des bijoux et des artefacts solaires, évoquant des rituels de fertilité. L’Abisso delle Vergini, un réseau de galeries profondes et inexplorées de près de 12 kilomètres, ajoute une touche d’inaccessible et de mystère supplémentaire, réservée uniquement aux spéléologues aguerris.



Parco Museo S’Abba Frisca
À seulement quelques kilomètres de la grotte, niché dans un écrin de verdure au pied des montagnes, se trouve le Parco Museo S’Abba Frisca, l’un des musées ethnographiques les plus emblématiques de la Sardaigne. Conçu comme un voyage dans le temps, ce parc familial combine un musée en plein air et un parc botanique luxuriant. Dès l’entrée, l’atmosphère paisible et l’accueil chaleureux annoncent une immersion authentique dans les traditions sardes.
Le parcours nous guide à travers des reconstitutions minutieuses de scènes rurales : vieilles maisons, ateliers d’artisans, outils anciens témoignent de la vie quotidienne d’autrefois. Plus de 4000 objets, soigneusement répartis dans différentes sections, permettent de comprendre comment les bergers, les agriculteurs, les forgerons et les potiers ont façonné la culture locale. Chaque pièce, chaque outil est accompagné d’explications claires qui rendent la visite aussi pédagogique que captivante.


Le cadre naturel du parc est tout aussi impressionnant. Avec ses 40 000 m² de terrain, le site présente une grande diversité végétale : plantes médicinales, arbres fruitiers anciens, fleurs sauvages. Les sons des cascades et les cris d’animaux traditionnels : chèvres sardes, ânes, cochons noirs ponctuent la promenade, créant une ambiance sereine et vivante. Chaque recoin du parc semble raconter une histoire, celle d’une nature et d’une culture intimement liées.



Des démonstrations d’artisanat, telles que la cuisson du pain carasau ou le tissage, sont proposées régulièrement, permettant de voir ces gestes ancestraux prendre vie sous nos yeux.

Le parc-musée réussit l’exploit d’être à la fois un lieu de mémoire et un lieu d’éveil, où la tradition n’est pas figée, mais transmise avec passion aux visiteurs de tous âges.

Dorgali
Lorsque nous arrivons à Dorgali, la mer est déchaînée, comme si le golfe d’Orosei exprimait toute sa force sauvage. Le vent balaie les rues de Cala Gonone, cette station balnéaire de Dorgali tournée vers l’immensité turquoise, et nous décidons de commencer notre découverte par un petit parc agrémenté en son centre d’une arche posée à même le sol perché sur une butte.

De là, la vue sur les flots furieux est spectaculaire : les vagues viennent heurter les falaises calcaires dans un grondement continu, et l’écume blanche se répand comme une traînée d’étoiles sur la roche sombre. Cette première vision nous rappelle à quel point ici, la nature est souveraine et imprévisible.


Après ce moment suspendu face à la mer, nous descendons vers le centre de Dorgali. Dans les rues du village, les façades en pierre basaltique évoquent l’ancrage millénaire des habitants, et chaque ruelle semble raconter une histoire ancienne. Nous croisons des boutiques artisanales exposant bijoux en filigrane d’argent, poteries fines et tapis tissés selon des motifs sardes traditionnels. L’église de Santa Caterina d’Alessandria s’impose avec son architecture sobre sur la place principale, témoin du passé religieux intense de la commune. Chaque quartier est ponctué d’un édifice sacré, de la petite église de San Lucifero aux vestiges du couvent franciscain, créant une atmosphère profondément enracinée dans la spiritualité.
Dans les différents quartiers, d’autres sanctuaires viennent ponctuer le paysage, tels que l’église de Sant’Antonio Abate, aux lignes épurées et austères, l’église de San Lucifero Vescovo, reconnaissable à son style baroque affirmé, ou encore l’église delle Grazie, édifiée au XIIIᵉ siècle sur des fondations plus anciennes, parfois attribuées aux Templiers. Chaque secteur de la ville semble ainsi empreint de spiritualité, à travers des lieux de culte emblématiques tels que la Madonna del Carmelo, Santa Lucia, San Lussorio ou encore l’église de l’Ange, aussi appelée Madonna di Gonare.
À Dorgali, l’architecture religieuse ne se limite pas aux églises. Le territoire conserve également plusieurs anciens monastères et congrégations. Dans le quartier de Santa Lucia se trouve l’ancien couvent des bénédictines, tandis qu’au détour de la Vico Carlo Alberto, subsiste un monastère jésuite datant du XVIIᵉ siècle. Le centre historique garde encore les traces de l’ancien orphelinat de Sant’Antonio. En périphérie, les vestiges du lazaret des lépreux, connu sous le nom de Su Leporosariu, rappellent l’existence d’un ancien dispositif hospitalier. Le palais du Bailli, autrefois siège de l’ordre antonin, vient compléter cette trame spirituelle et charitable qui imprègne l’ensemble du village.
Les places publiques de Dorgali jouent quant à elles un rôle majeur dans la vie sociale et la mémoire collective. Sur la place Su Cucuru, ancien forum à ciel ouvert, un amphithéâtre de pierre continue d’accueillir diverses manifestations festives. Non loin, la place Santa Lucia, surplombée par l’ancien cloître, conserve les traces d’une activité commerciale intense. D’autres espaces civiques retiennent également l’attention, notamment Sa Cudina, aujourd’hui associée aux marchés modernes, ou encore la place des Quatre Fontaines, ornée d’un superbe panneau en céramique en hommage à Salvatore Fancello, célèbre artiste local.
Deux autres lieux de mémoire viennent enrichir ce panorama : la place Caduti sul lavoro, inaugurée en 2001 autour d’une sculpture d’Antonio Fancello, et Su Monumentu, où se dresse un imposant obélisque de marbre blanc, érigé en souvenir des morts de guerre. Chaque place, chaque monument, semble raconter à sa manière une facette de l’âme de Dorgali, entre tradition vivante et mémoire collective.
Poussant notre promenade jusqu’au port de Cala Gonone, nous faisons une rencontre inattendue : une femme originaire du nord de la France, « une cht’i de chez nous », qui travaille pour une compagnie d’excursions maritimes. Elle nous accueille avec chaleur malgré la déception du jour : toutes les sorties vers la célèbre grotte du Bue Marino sont annulées à cause du mauvais temps et de la mer trop dangereuse. Toutefois, elle prend le temps de nous montrer des vidéos spectaculaires de la grotte, éveillant notre curiosité et notre émerveillement malgré l’impossibilité d’y accéder.

À travers ses vidéos, nous découvrons un lieu saisissant : la grotte du Bue Marino, située à Cala Gonone, est l’un des joyaux naturels les plus émouvants de Sardaigne. L’intérieur de la grotte dévoile deux galeries principales : la galerie sud, accessible aux visiteurs en bateau, et la galerie nord, fossilisée, réservée aux spéléologues. Nous voyons défiler devant nos yeux des images d’un monde souterrain où les concrétions calcaires forment des sculptures féériques au-dessus de lacs d’eau salée d’un bleu intense et presque irréel.

Les images s’attardent sur les deux arches monumentales marquant l’entrée de la grotte, véritables bras de pierre reliant la montagne à la mer. Les stalagmites et stalactites, fruits de millénaires de sédimentation, dessinent des formes expressives, parfois évoquant des silhouettes humaines ou animales. La vidéo montre également des gravures et vestiges préhistoriques, témoins d’une occupation humaine ancienne, datant du Néolithique. La beauté minérale se mêle ici à une mémoire ancestrale, offrant une émotion rare, comme si chaque pierre conservait une trace du temps.
À travers ces vidéos, nous voyons aussi les alentours paradisiaques du golfe d’Orosei : des falaises blanches plongeant dans l’eau cristalline, des criques secrètes entourées de maquis méditerranéen. L’excursion habituelle propose souvent de combiner la visite de la grotte avec la découverte de plages somptueuses telles que Cala Luna, Cala Sisine et Cala Mariolu. Les images de Cala Luna, avec ses grottes ouvertes sur la mer et ses lauriers roses, évoquent un autre monde, suspendu entre ciel et mer. Même privés d’excursion, ces aperçus nous laissent rêveurs et impatients de revenir un jour explorer ce sanctuaire naturel de nos propres yeux.
Mais Dorgali ne se résume pas à sa façade maritime. La commune s’étend sur un vaste territoire entre mer et montagne, jusqu’aux contreforts escarpés du Supramonte. Dans les terres, l’héritage nuragique est omniprésent : le musée archéologique de Dorgali rassemble des vestiges impressionnants issus de sites voisins comme Serra Orrios, village-sanctuaire complexe et fascinant. Nous apprenons qu’à proximité se trouvent aussi les tombeaux des géants de S’Ena e Thomes et les ruines mystérieuses de Tiscali, cachées dans une doline au cœur du massif, lieux où la pierre parle encore le langage des ancêtres.

Canyon Su Gorropu
La route sinueuse que nous empruntons longe de près le Canyon Su Gorropu. Dès les premiers kilomètres, l’air vif de la montagne nous saisit, tandis que les paysages se déploient dans une majesté presque irréelle. À notre gauche, des murs rocheux vertigineux plongent vers des abîmes invisibles, tandis qu’à droite, le maquis s’ouvre parfois sur des échappées spectaculaires. Nous faisons plusieurs arrêts aux belvédères improvisés, attirés par l’appel du vide. Chaque point de vue nous offre une perspective nouvelle sur cette entaille colossale dans la terre, mais très vite, un léger brouillard s’élève, flottant paresseusement dans les creux des vallées.

Progressivement, la brume s’épaissit, engloutissant les reliefs et réduisant notre champ de vision. L’impression de vertige s’en trouve décuplée : nous avançons lentement, avec prudence, guettant chaque virage, fascinés autant qu’inquiets par ces gouffres invisibles qui bordent notre chemin. Nos conversations se font plus rares, comme happées par la solennité du lieu. Le silence, troublé seulement par le crissement des pneus sur le gravier, semble peser sur nos épaules. L’atmosphère devient mystérieuse, presque sacrée, comme si nous étions sur le point d’entrer dans un autre monde.


Après une ultime courbe serrée, nous apercevons enfin, surgissant de la brume, un grand bâtiment rouge qui marque l’entrée officielle du Canyon Su Gorropu. Un soulagement teinté d’excitation nous gagne : nous y sommes. Devant ce bâtiment simple mais imposant, nous garons notre voiture, ajustons nos sacs à dos, et prenons quelques instants pour respirer profondément. L’air est chargé d’une humidité fraîche qui renforce notre impression de pénétrer dans un territoire sauvage et immuable. Nos pas crissent sur le gravier tandis que nous nous dirigeons vers le début du sentier.


Le premier tronçon de marche est une douce descente parmi les chênes verts et les genévriers. Le sol, encore humide de la brume matinale, est glissant par endroits. Peu à peu, le murmure discret du Flumineddu nous parvient, écho lointain du cours d’eau qui, patiemment, a façonné le Canyon Su Gorropu au fil des millénaires. Le sentier serpente dans un paysage minéral de plus en plus resserré. À chaque pas, nous sentons l’impatience monter : nous savons que bientôt, les géants de pierre se dresseront devant nous.

Et soudain, au détour d’une courbe, les murailles calcaires apparaissent, hautes, impressionnantes, presque irréelles. Nous levons la tête, écrasés par la verticalité des parois qui semblent se refermer sur nous. Le Canyon Su Gorropu est là, dans toute sa grandeur farouche. L’émotion nous submerge : un mélange de respect, d’émerveillement et d’une légère crainte instinctive face à cette nature indomptée. Nous échangeons un regard complice, conscients de partager un moment rare, presque initiatique.

Devant le temps qui défile rapidement et car notre planning intense ne nous le permet pas, nous décidons de faire demi-tour, malheureux de ne pouvoir en posséder plus de ce canyon incontournable sur l’île.


Nous reprenons la route et en nous rapprochant de la côte, le brouillard s’estompe, rendant notre vision plus optimale.
Orgosolo
Dès notre arrivée à Orgosolo, un frisson nous parcourt. Le vent frais de la Barbagia balaie doucement les ruelles, et l’altitude de 620 mètres semble suspendre le village entre ciel et montagne. Nous déambulons dans ce labyrinthe aux murs éclatants de couleurs, fascinés par l’incroyable musée à ciel ouvert qui s’offre à nous. Chaque maison, chaque mur, chaque recoin porte une fresque vibrante d’histoires. Nous nous arrêtons longuement devant des scènes de la vie pastorale, des portraits de femmes à l’œil fier, des visages d’enfants rêveurs, des bergers à l’allure intemporelle. Nous sentons l’âme résistante d’Orgosolo nous envelopper, et, dans le silence respectueux de notre contemplation, nous percevons presque la voix collective d’un peuple fier.
En poursuivant notre exploration, nous découvrons l’histoire qui se cache derrière ces fresques. Le récit débute en 1968, quand un premier mural anarchiste est réalisé par le groupe milanais Dioniso. Pourtant, l’arrivée de Francesco Del Casino en 1975 marque un véritable tournant : cet enseignant venu de Sienne, inspiré par Picasso, prend ses élèves sous son aile et peint avec eux les murs du village. En marchant, nous retrouvons les fresques vives du groupe des Api, qui poursuivent aujourd’hui cette tradition avec une émotion intacte. Il y a quelque chose de bouleversant dans ce geste collectif, dans cette volonté de laisser une trace artistique qui soit aussi un cri, une mémoire. Chaque fresque que nous croisons résonne en nous comme un manifeste silencieux. Nous ressentons au fond de nous cette étrange harmonie entre la beauté esthétique et l’élan politique, entre la douceur d’un pinceau et la dureté des luttes représentées.
Mais Orgosolo ne se résume pas à ses fresques. Nous poussons plus loin notre curiosité et découvrons son incroyable patrimoine religieux. Dans les ruelles paisibles, les églises s’égrainent comme autant de témoins d’une foi profonde et ancestrale. Nous visitons Santu Perdu, puis Sant’Antoni ‘e Su Ohu, et plus loin encore Santu Micheli perché sur le mont Lisorgoni. Ces édifices du XIVᵉ siècle, aux murs épais et aux modestes clochers, nous plongent dans une atmosphère de recueillement. À travers les pierres séculaires, nous devinons la ferveur d’autrefois, les pèlerinages fervents, les processions chantantes. Chaque église semble porter en elle une part du secret d’Orgosolo, une part de ce lien indéfectible entre l’homme, la terre et le sacré. Même les vestiges des hameaux abandonnés, comme Locoe, nous émeuvent : là, les ruines d’une église oubliée se dressent encore, nobles et silencieuses, sous un ciel immense.

Baunei
L’arrivée à Baunei est une véritable bouffée d’air pur. Dominant la mer de ses 480 mètres d’altitude, ce village suspendu entre ciel et montagnes nous saisit immédiatement par sa beauté sauvage. Nous nous laissons envelopper par cette atmosphère à la fois rude et lumineuse, où les maisons blanches semblent accrochées aux flancs des falaises comme des nids d’aigles.

L’église paroissiale, dédiée à San Nicola di Bari, nous accueille au cœur du village avec son clocher simple et sa façade élégante, face à l’hôtel de ville. À l’intérieur, un silence paisible nous envahit, tandis que la lumière dorée du soir glisse doucement sur les pierres anciennes. Nous déambulons sans but précis, happés par les ruelles pavées, le parfum des myrtes, le murmure lointain d’une guitare… Chaque pas résonne en nous comme une invitation à ralentir, à écouter battre le cœur millénaire de la Sardaigne.

À Baunei, nous vivons aussi des rencontres qui marquent. Les anciens, assis à l’ombre des figuiers, nous saluent d’un sourire complice. Certains nous racontent les histoires de contrebandiers et de bergers courageux, de bandits d’honneur et de longues transhumances. Dans les tavernes, nous goûtons aux saveurs puissantes du terroir : le pecorino affiné, le porceddu fondant, le vin âpre aux accents de soleil et de pierre. Chaque repas devient un moment suspendu, un rite sacré.


Santa Maria Navarrese
À quelques kilomètres à peine de Baunei, Santa Maria Navarrese s’offre à nous comme une parenthèse de douceur. Dès notre arrivée, au coeur d’un paysage abrupt constitué de puissants rochers au rouge flamboyant, nous ressentons une paix immédiate, une harmonie entre mer et montagnes qui nous enveloppe tout entiers.

Le petit port, animé sans être bruyant, respire la tranquillité des lieux encore préservés. Nous avançons sur la promenade ombragée de pins centenaires, bercés par l’odeur salée du large et le chant des cigales. Chaque regard que nous portons sur la Méditerranée, chaque murmure des vagues contre les rochers, semble apaiser notre âme. Ici, le temps ralentit, et nous nous laissons porter par la douceur de vivre qui émane de ce village côtier unique.
Notre première halte est pour l’église de Santa Maria Navarrese, joyau du XIᵉ siècle, construite selon la légende par une princesse navarraise échappée d’un naufrage.

Devant sa silhouette sobre, bordée d’oliviers millénaires, une émotion subtile nous étreint. Dehors, nous nous attardons sous les oliviers dont certains, vieux de plus de mille ans, semblent chuchoter les secrets de la mer et des hommes. La légende flotte encore dans l’air tiède, et nous nous surprenons à rêver de voyages anciens, de terres lointaines, de marins intrépides guidés par les étoiles.

La mer elle-même devient un lieu de découverte. Nous rejoignons le long de la côte, à la découverte des criques cachées et des falaises inaccessibles. Le silence est seulement troublé par le clapotis de l’eau contre la terre.



Nous prolongeons cette harmonie en flânant sur la plage, puis en montant jusqu’au promontoire où se dresse la tour espagnole du XVIᵉ siècle. Face au large, face à l’infini, nous sentons en nous un élan irrépressible d’émerveillement et de gratitude. Le soleil descend lentement derrière les montagnes de l’Ogliastra, allumant le ciel de teintes dorées et pourpres.


Côte à côte, deux hommes aux âges trop révolus pour être relevés sont assis en profitant de la douceur de la ville. Nous les observons et nous restons longtemps là, sans parler, à respirer l’instant.

Arbatax
Quand nous arrivons à Arbatax, ce petit hameau unique de Tortolì sur la côte orientale, nous sentons tout de suite que ce lieu a une âme particulière. La lumière éclabousse la marina, où les bateaux oscillent paresseusement dans l’eau turquoise. Nous avançons lentement sur la promenade, savourant l’air marin chargé d’embruns, écoutant le cliquetis des mats et le chuchotement des vagues contre les quais. La marina est vivante mais paisible, mêlant pêcheurs locaux et visiteurs curieux. Le spectacle des Rocce Rosse, ces impressionnantes formations de porphyre rouge surgissant de la mer, nous coupe littéralement le souffle. Leur couleur flamboyante contraste avec l’azur intense du ciel et la transparence de l’eau, créant une scène presque irréelle. Nous restons un moment sans parler, ébahis devant tant de beauté brute.


Nous reprenons notre voiture, encore portés par l’émotion, et nous grimpons lentement vers l’église Madonna Stella Maris. La route monte doucement, traversant des quartiers tranquilles, bordés de bougainvilliers éclatants. L’église apparaît, simple, blanche, presque modeste, mais elle irradie une sérénité profonde.

À l’intérieur, l’atmosphère est recueillie : quelques bougies tremblotent, l’odeur de cire chaude flotte dans l’air. Nous nous asseyons sur un banc, enveloppés par le silence, laissant nos pensées voguer librement. Chaque pierre semble imprégnée de la gratitude de ceux qui vivent si près de la mer, exposés à ses colères autant qu’à ses bienfaits. À la sortie, nous apercevons au loin la tour de San Gemiliano, silhouette fière dominant l’horizon. Cet ancien poste de guet espagnol, érigé pour repousser les pirates, nous renvoie à d’autres siècles, à d’autres luttes, et ravive en nous une fascination ancestrale pour les histoires de marins et de conquêtes.

Nous garons notre voiture non loin du centre et décidons de découvrir le cœur d’Arbatax à pied. Les ruelles étroites nous charment d’emblée : ici, pas de boutiques clinquantes, mais des maisons modestes aux façades pastel, quelques cafés où les rires éclatent comme des bulles, et une ambiance chaleureuse, terriblement authentique.

Au détour d’une promenade couverte d’arbres, nous tombons sur une scène qui nous émeut profondément : un groupe d’hommes, assis sur un muret, discute et plaisante, leurs éclats de rire roulant comme des galets sous le soleil de l’après-midi. Nous nous arrêtons, discrets, presque émus par cette simplicité heureuse. Leurs visages burinés racontent une vie entière passée ici, entre mer et montagnes. Nous nous sentons étrangement à notre place, comme si cette scène banale nous rappelait l’essentiel : la convivialité, le temps partagé, la lumière d’un jour ordinaire rendu extraordinaire par la beauté de l’instant.


Cagliari
Le lendemain, arrivant par la route côtière, nous sommes rapidement confrontés aux célèbres embouteillages de Cagliari, qui témoignent de l’activité incessante de la capitale sarde. À l’écart du centre, le phare de Cagliari situé sur un terrain militaire, dressé sur le promontoire du Capo Sant’Elia, attire notre regard. Solennel et discret, il veille depuis des décennies sur les marins entrant dans le golfe des Anges. Non loin, le port de plaisance se déploie, moderne et animé, bien qu’un peu excentré par rapport au cœur historique. Il vibre au rythme des ferries, des cargos et des bateaux de pêche, dans une atmosphère de va-et-vient maritime typique des grandes cités portuaires méditerranéennes.



Après cette première découverte, nous gagnons le centre-ville en voiture, jusqu’aux abords du bastion Saint-Rémy. Dans un parking proche, nous trouvons une place pour stationner et entreprenons notre découverte de la ville. Ce bastion impressionnant, construit à la fin du XIXe siècle, relie plusieurs niveaux de la ville avec ses escaliers majestueux et ses terrasses panoramiques. Grimper ses marches, permet de s’élever progressivement au-dessus du tumulte urbain pour découvrir un panorama saisissant sur les toits rouges, la mer scintillante et les collines lointaines. Arrivés en haut, nous rejoignons les ruelles du quartier du Castello, cœur historique et vibrant de Cagliari.

Le Castello déploie ses charmes autour d’une grande place baignée de lumière. Entre le belvédère et les façades ocre et rose, l’ambiance est délicieusement méditerranéenne.


Dans une ruelle bordée de maisons anciennes, un accordéoniste, virtuose et inspiré, emplit l’air de ses mélodies nostalgiques, ajoutant une touche magique à notre promenade.

En suivant les ruelles pavées, nous atteignons la majestueuse cathédrale de Cagliari, dédiée à Sainte-Marie et Sainte-Cécile. Sa façade néogothique immaculée cache un intérieur richement décoré, où marbres, fresques et cryptes racontent l’histoire spirituelle de l’île.


Après la cathédrale, notre flânerie dans le centre nous mène de découverte en découverte. Chaque coin de rue semble cacher une église : San Giuseppe, Santa Croce, Sant’Efisio… toutes différentes, toutes empreintes d’histoire et de dévotion. Certaines présentent des façades sobres, d’autres éclatent de décorations baroques. L’âme religieuse de Cagliari se dévoile dans toute sa diversité, portée par l’architecture, la lumière et la pierre. Ces édifices sacrés offrent autant de havres de fraîcheur et de silence au cœur de l’animation estivale.
À quelques pas de là, nous découvrons le palais Regio et l’ancien palais municipal, qui rappellent que Cagliari est jadis une capitale politique sous les Pisans, les Aragonais et les Piémontais. Le premier, majestueux, abrite dès le XIVᵉ siècle les vice-rois, tandis que le second affirme par son architecture sobre et solennelle l’autorité du pouvoir municipal.

La promenade se poursuit gracieusement jusqu’au bastion de Santa Croce, suspendu entre ciel et mer, tandis que la porte Cristina, érigée en 1825, complète avec élégance cet ensemble urbain d’inspiration néoclassique.
Le Castello se distingue également par la richesse de ses édifices religieux. Nous nous arrêtons devant le cloître de San Domenico, datant du XVe siècle et magnifiquement restauré après les destructions de la Seconde Guerre mondiale, ainsi que devant l’élégante église de San Michele, véritable bijou rococo d’influence espagnole. Dans les ruelles étroites du vieux Cagliari, nous croisons les célèbres tours pisanes, véritables gardiennes du XIIIᵉ siècle : la massive tour de San Pancrazio, dominant la ville, la spectaculaire tour de l’Éléphant, reconnaissable à son éléphant sculpté, et la plus discrète tour du Sperone, souvent ignorée mais tout aussi évocatrice de l’époque médiévale.
Non loin de là, la Basilique de San Saturnino, construite au XIᵉ siècle sur des fondations paléochrétiennes, nous impressionne par son austère beauté, tandis qu’au sud, le sanctuaire de Notre-Dame de Bonaria avec son couvent gothique et sa basilique moderne nous rappelle la forte tradition maritime de la ville.


Au fil de notre exploration, nous découvrons aussi le patrimoine architectural du XXᵉ siècle. Le palais civique, reconstruit après les bombardements de 1943, arbore une façade blanche élégante qui contraste avec les teintes ocres des maisons anciennes. Le palais Valdés, fruit du travail de Nicolò Mura et Riccardo Simonetti, incarne avec finesse le style Liberty mêlant granit local, terre cuite et lignes ondulantes inspirées de l’Art nouveau. En bord de mer, les longues façades de la Via Roma nous révèlent une autre facette de cette ville qui conjugue harmonieusement tradition et modernité.
L’art, l’histoire et la nature dialoguent également dans les nombreux espaces verts. Nous nous promenons dans les jardins publics, premier parc urbain de Cagliari, véritable havre de fraîcheur. Plus loin, le jardin botanique de Cagliari, fondé en 1866, nous surprend avec ses espèces venues du monde entier, installées dans un amphithéâtre naturel. Enfin, au jardin des Capucins, nous profitons d’un belvédère paisible dominant les toits rouges de la ville.
Au cœur du Castello, nous admirons le Palazzo Boyl, élégant témoignage du néoclassicisme sarde avec sa façade sobre et ses colonnes ioniques. Un peu plus bas, sur la Via Roma, le Palazzo Vivanet, avec son style néogothique, nous transporte dans une atmosphère romantique presque florentine grâce à ses arcs trilobés et ses frises sculptées.
Poursuivant notre parcours, nous descendons vers l’amphithéâtre romain, niché en bordure du centre historique. Il est malheureusement inaccessible derrière une grille, en cours de restauration ou de protection, mais même ainsi, sa silhouette imposante impressionne. Creusé en partie dans la roche calcaire, il rappelle l’importance de Cagliari dès l’époque antique, lorsque les spectacles de gladiateurs rythmaient la vie de ses habitants. Cet héritage, palpable malgré la clôture, invite à imaginer le tumulte des foules et les exploits passés.

Enfin, pour clore notre visite, nous gagnons un vaste parc attenant, un véritable poumon vert de la ville. Ce parc, ombragé de pins et de palmiers, abrite la célèbre nécropole punique de Tuvixeddu. Sous nos pas, des centaines d’hypogées millénaires sont creusés dans la roche, témoins silencieux de la civilisation carthaginoise qui occupa l’île bien avant Rome. Cette immersion dans un paysage où se mêlent nature méditerranéenne et mémoire antique conclut notre journée en beauté, offrant une dernière émotion, douce et grave, avant de quitter Cagliari par une sorte de long pont construit sur la mer.


Pula
Dès que nous arrivons à Pula, nous sentons une atmosphère douce et chaleureuse nous envelopper. Le tissu urbain s’ouvre à nous avec ses places ensoleillées, ses cafés animés et ses élégantes bâtisses aux tons pastel. Nous déambulons sans but précis, nous laissant porter par le charme tranquille de cette ville aux racines médiévales, profondément remaniée au XVIIIᵉ siècle. L’air est doux, parfumé d’embruns et de fleurs méditerranéennes, et déjà, nous savons que nous avons trouvé ici un véritable coin de paradis.

Notre chemin nous conduit naturellement vers l’église San Giovanni Battista, qui trône fièrement sur la Piazza Giovanni XXIII. À l’intérieur, deux sarcophages de marbre attirent notre regard, et nous nous recueillons quelques instants devant celui d’Agostina Deroma, duchesse de San Pietro. Plus loin, nous découvrons l’église Sant’Efisio, érigée là où le saint trouva le martyre. L’endroit dégage une émotion particulière, un silence vibrant que nous partageons presque instinctivement.

Nous poursuivons notre exploration en admirant la villa Santa Maria, bijou d’architecture néoclassique signé Gaetano Cima. Devant cette élégante demeure, nous restons un moment, imaginant les fêtes et les conversations raffinées qui devaient animer ce lieu au XIXᵉ siècle.
En longeant la côte, nous tombons sur la tour Coltellazzo, solide et solitaire, qui veille encore sur les eaux turquoise. A midi, nous nous installons sur la place principale de Pula, en terrasse d’un restaurant, savourant des mets locaux et cette incomparable douceur de vivre à l’italienne qui nous enveloppe totalement.

Chia
En quittant Pula, nous mettons le cap sur Chia, impatients de découvrir ses plages réputées. Nous faisons un arrêt à l’église de la ville, mais malheureusement, nous trouvons porte close ; nous l’admirons de l’extérieur, un peu frustrés de ne pouvoir plus nous imprégner de ce bâtiment majestueux.

Sur la côte, nous sommes frappés par la beauté sauvage du lieu. Au loin, la silhouette de la tour espagnole de Chia, dressée au-dessus d’une crique protégée, nous rappelle les siècles d’histoire que ce littoral a traversés.
Nous empruntons à pied un ancien tronçon de voie romaine, vestige du temps où Bithia, l’ancêtre de Chia, prospérait entre montagnes et mer. Chaque pas sur ces pierres usées nous rapproche d’un passé millénaire, et nous nous surprenons à imaginer les caravanes antiques circulant dans ce même décor. En contrebas, les plages apparaissent : Sa Tuerra, Porto Campana, Su Sali, et enfin Su Giudeu, l’emblématique.

Site antique de Nora
Une autre étape nous mène à Nora, l’antique cité posée sur un promontoire face à la mer. À peine arrivés, nous sommes saisis par l’atmosphère presque sacrée du lieu. Sous un ciel éclatant, nous garons notre véhicule aux abords d’une plage, qui donne elle-même sur une magnifique église dont les façades antiques sont magnifiées par les rayons du soleil qui les violentent. Nous rejoignons après quinze minutes de marche, le site de Nora dans lequel nous entrons.

Les ruines dorées par le soleil semblent nous murmurer des histoires venues d’un autre temps. Nous nous engageons dans les allées de l’ancien forum, nos pas résonnant sur les pavés antiques.



Le théâtre romain nous arrête un long moment. Assis face aux gradins de pierre, nous fermons les yeux et imaginons la foule vibrante, les acteurs vêtus de tuniques, la voix des orateurs montant vers les cieux. En cheminant entre les thermes, les maisons mosaïquées et les temples, nous découvrons les traces fascinantes du culte d’Eshmun-Ésculape. Devant les vestiges du temple d’Eshmun, nous ressentons un profond respect pour ces civilisations anciennes, capables de bâtir avec tant d’ingéniosité. Nous nous arrêtons aussi devant le Tophet, pensifs face à ces stèles votives gravées de symboles mystérieux, témoins silencieux de pratiques millénaires.



La tour Coltellazzo nous accueille tout au long de cette découverte ; solide sentinelle face aux vents marins, elle veille sur Nora et ses secrets immergés, et nous éprouvons une étrange nostalgie en songeant à tout ce qui repose encore sous les vagues. La magie du site est telle que nous avons du mal à nous arracher à sa contemplation.


Île de Sant’Antioco
En nous rendant vers l’île, ou du moins appelée par certains, la péninsule de Sant’Antioco, nous traversons la côte Sud-Ouest de la Sardaigne, profitant de points de vue magnifiques, qui nous obligent à nous arrêter fréquemment.



Nous franchissons le pont qui relie la Sardaigne continentale à la péninsule de Sant’Antioco, et déjà l’air marin et la lumière éclatante nous enveloppent. Ce vaste territoire, insulaire par sa géographie mais profondément enraciné dans la culture sarde, dégage une douceur de vivre immédiate. Longtemps perçue comme une simple étape dans les itinéraires du Sulcis Iglesiente, Sant’Antioco nous révèle très vite qu’elle mérite d’être explorée longuement, tant son authenticité séduit au premier regard.
Le littoral déploie une incroyable diversité. Nous posons nos serviettes à la Spiaggia di Maladroxia, où les eaux turquoise appellent à la baignade familiale. Plus loin, Cala Sapone offre ses criques rocheuses aux amateurs de coins sauvages et de couchers de soleil flamboyants. Chaque détour de la côte nous mène à de nouveaux trésors : les Saline, Portixeddu Accuau, Turri, ou encore l’étonnante Cala Grotta avec ses cavités naturelles sculptées par la mer.

Mais Sant’Antioco réserve aussi des coins secrets. Des sentiers permettent de rejoindre Portu Sciusciau, Cala Lunga ou Cala Raja, des criques isolées, accessibles uniquement à pied ou en bateau, où le silence est roi. Une randonnée parfumée mène jusqu’à l’Arco dei Baci, spectaculaire arche rocheuse dressée au cœur des terres rases. Chaque pas dans ce paysage brut connecte les visiteurs à une nature libre et intacte.

L’intérieur des terres nous plonge dans une autre dimension, plus ancienne encore. S’y trouvent les mystérieux menhirs de Su Para et Sa Mongia, témoins silencieux du néolithique. Plus loin, les tombes de géants de Su Niu et Su Crobu imposent leur majesté mégalithique. Le Tophet punique, espace sacré où étaient faites les offrandes d’enfants, nous bouleverse par son intensité. Le vent, omniprésent, semble porter les voix éteintes des civilisations passées.

Sur le littoral, l’histoire militaire s’inscrit dans la pierre. Nous gravissons les sentiers qui mènent à la tour du canal, érigée en 1757 par l’ingénieur Vallin. Dressée face à la mer, cette tour de guet surveillait autrefois les horizons contre les pirates. Plus loin, au large, les îlots de l’île de la Vacca et de l’île du Toro surgissent de la mer cristalline comme deux sentinelles minérales. Plongeurs et oiseaux marins y trouvent refuge, dans un monde presque hors du temps.

À l’intérieur du golfe de Palmas, nous longeons la lagune de Santa Caterina. Les eaux calmes, seulement troublées par le cri des oiseaux, racontent une histoire complexe. L’isthme construit en 1939 a brisé l’équilibre naturel, asphyxiant peu à peu ce joyau poissonneux. Sur ses berges, les salines de Sant’Antioco, installées en 1969, brillent sous le soleil, mêlant l’exploitation du sel à la mémoire laborieuse des habitants.
La ville de Sant’Antioco nous accueille avec son riche patrimoine. Nous visitons la basilique de Sant’Antioco Martire, majestueuse, bâtie sur une crypte paléochrétienne, aux influences byzantines et romanes entremêlées. Nous gravissons ensuite la butte du forte Su Pisu, fortin austère construit par la Maison de Savoie. De ses remparts, la vue sur la ville et la mer est saisissante ; les souvenirs d’attaques corsaires y flottent encore.

Sous nos pieds, un autre monde s’ouvre : le Villaggio Ipogeo. Ce village souterrain, formé de tombes creusées entre le VIᵉ et le IIIᵉ siècle avant notre ère, réutilisées plus tard comme habitations troglodytiques, nous fait traverser les âges. Chaque galerie raconte une histoire, des Phéniciens aux familles pauvres du XXᵉ siècle, dans une atmosphère chargée d’émotion.
Autour de l’ancienne cité de Sulci, nous explorons l’acropole et les vastes nécropoles puniques, témoignages des origines millénaires de l’île. Près d’une jolie place ornée d’une statue de marbre, nous découvrons, derrière une grille discrète, les ruines émouvantes de l’église de Sa Presonedda.

Enfin, flâner dans Sant’Antioco, nous permet aussi partir à la rencontre de ses habitants et de leurs traditions. Nous visitons le MuMa, musée de la mer, vibrant hommage à la culture maritime, et le musée ethnographique Su Magasinu de su Bin, où le tissage du lin se perpétue avec fierté.


Nous redescendons vers le front de mer, en quête d’un peu de calme pour digérer cette émotion. Le soleil, bas sur l’horizon, plonge la mer dans une lumière dorée. L’eau devient un miroir parfait, où les barques colorées semblent flotter entre ciel et mer. Chaque reflet est si net qu’on a l’impression que le monde s’est dédoublé. Le temps semble suspendu, et nous restons sans voix devant cette beauté irréelle.


Sur la promenade, alors que nous approchons du monument arborant le nom de Sant’Antioco, deux vieux pêcheurs apparaissent. Leurs silhouettes se découpent exactement dans le cœur du lettrage métallique. Ils parlent doucement, gestes lents, comme sortis d’une autre époque. Autour d’eux, la lumière rasante, les reflets de la mer, et le calme absolu donnent à cette scène une dimension presque onirique.

La procession à Sant’Antioco
Alors que nous flânons dans les rues tranquilles de Sant’Antioco, à l’approche de Pâques, un étrange silence s’installe peu à peu. Les voitures sont arrêtées, les passants s’écartent. Bientôt, nous voyons les premières silhouettes avancer lentement. Plusieurs hommes, vêtus de noir, portent sur leurs épaules une grande croix de bois. À leurs côtés, d’autres fidèles transportent des statues richement décorées : Jésus-Christ, la Vierge Marie, mais aussi d’autres figures sacrées, vibrantes de piété. Au centre de ce cortège solennel marche un prêtre, la tête baissée, son étole flottant dans la brise du soir.

La procession progresse dans les ruelles, bordée d’une foule compacte. Nous nous laissons happer par cette marée humaine silencieuse, émus par l’atmosphère unique qui règne ici. Quand le prêtre s’arrête dans une petite ruelle, il commence à célébrer la messe. Pas dans une église, mais au milieu de la ville, en plein air, sous les regards recueillis de centaines de fidèles. Le son de sa voix s’élève dans l’air, grave et clair, et se mêle bientôt aux récitations murmurées du chapelet.

Nous sommes frappés par l’intensité de la ferveur. Les gens, jeunes, vieux, habitants et visiteurs, récitent en chœur avec une impressionnante unité. Des centaines de voix s’élèvent dans les ruelles de Sant’Antioco, formant une onde presque palpable. Les statues, portées à bout de bras, paraissent vibrer sous les flambeaux et les lampions. Nous restons là, sans oser parler, happés par cette force invisible qui semble tout envelopper.


En suivant lentement la procession, nous découvrons une autre facette de la ville : celle où la foi, la tradition et l’histoire se rejoignent dans un seul et même battement de cœur. Chaque maison décorée d’un drapeau, chaque balcon fleuri, semble participer au mystère. Même les murs anciens de Sant’Antioco paraissent respirer au rythme des chants. La religion n’est pas seulement pratiquée : elle est vécue dans la rue, dans la lumière, dans le silence partagé entre inconnus.

Ingurtosu
Le lendemain matin, à peine arrivés à Ingurtosu, nous avons l’étrange impression de voyager dans le temps. Le silence qui règne dans la vallée d’Is Animas, à l’ombre des montagnes, est presque irréel. Autour de nous, la végétation reprend peu à peu ses droits, enserrant les vestiges d’un passé industriel glorieux et douloureux. Après avoir visité l’église qui se trouve à l’entrée du village, nous découvrons Il Castello, l’ancien palais de la direction minière et restons un instant sans voix. Sa silhouette néogothique, perchée au sommet du village, domine tout, imposante et fantomatique. L’air est chaud, chargé de poussière et de souvenirs ; nous ressentons un profond respect pour ceux qui vécurent ici, à une époque où la mine dictait le rythme de la vie.


Nous rejoignons la vieille ville abandonnée et arpentons ce territoire fantôme, entre les anciennes maisons des employés, le magasin aux volets clos, le bureau de poste à l’abandon et les vestiges de l’hôpital. L’impression de solitude est totale, mais elle n’est pas pesante : elle est mélancolique, comme une chanson oubliée. Chaque pierre semble porter la mémoire des familles, des rires d’enfants, des angoisses aussi, lorsque la mine réclamait son tribut. Nous suivons le sentier qui descend doucement vers la mer, longeant les vieux puits miniers et leurs tours de bois qui grincent sous le vent.


Plus loin, dans la vallée, nous apercevons les imposantes ruines de la laverie Brassey, gigantesque squelette de pierre dominant les herbes folles. Nous nous arrêtons longuement devant cette cathédrale industrielle, émerveillés par la beauté brute de ses arches éventrées et la grandeur oubliée qu’elle évoque.

Sardara
Dès notre arrivée à Sardara, la douceur des lieux nous enveloppe. Nous en découvrons tout d’abord l’extérieur. Dans la zone thermale se trouve un lieu particulièrement sacré : le sanctuaire de Santa Maria de is Acuas, aussi appelé Santa Mariàcuas, dédié à la patronne du diocèse d’Ales-Terralba. Le sanctuaire conserve une statue ancienne de la Vierge, datée de la période espagnole. Le culte, probablement d’origine byzantine, attire encore aujourd’hui de nombreux pèlerins, en particulier lors des fêtes religieuses de mai et septembre, quand le simulacre processionnel est transféré depuis l’église paroissiale.

Avant de rejoindre le centre du village qui se trouve à quelques kilomètres de distance, nous découvrons l’un des établissements thermaux de Sardara, du moins, un des hôtels de luxe excentrés du territoire. Les eaux chaudes, connues depuis l’Antiquité, enveloppent les visiteurs dans une étreinte bienfaisante. Mais par manque de temps, nous ne testons pas cette eau revigorante et prenons la direction du centre-ville.

Nous déambulons ensuite, profitant d’une accalmie de la météo dans les ruelles pavées du centre, bordées de maisons de pierre ornées de portails sculptés, et tout semble exhaler une élégance tranquille. Il flotte dans l’air un parfum de fleurs sauvages et de pierre chauffée par le soleil. Nous nous sentons apaisés, comme si la ville nous murmurait un secret ancien. Chaque carrefour nous invite à ralentir, à savourer la beauté discrète de ce village du Monreale.

L’émerveillement nous saisit en découvrant l’église San Gregorio Magno. Ce chef-d’œuvre roman-gothique du XIVe siècle nous impressionne par la délicatesse de sa fenêtre à meneaux et la majesté de ses lignes épurées. À l’intérieur, la lumière filtre doucement à travers les vitraux, illuminant les pierres froides d’une chaleur dorée. Nous restons là, immobiles, baignés dans cette atmosphère spirituelle, ressentant un profond sentiment de paix. Sardara semble vraiment en dehors du temps.
Non loin, l’église de Santa Anastasia nous réserve une émotion plus mystérieuse. D’origine byzantine, elle cache en son cœur un trésor unique : un puits sacré nuragique. Nous descendons les quelques marches humides menant à ce lieu souterrain, fascinés par sa fraîcheur et son aura presque magique. À côté, les fonts baptismaux du XVIe siècle, le Christ en bois du XVIIe siècle, et la statue de Sant’Anastasia témoignent de siècles de dévotion populaire. Le contraste entre l’ancien puits païen et l’église chrétienne nous touche profondément : ici, les croyances anciennes et nouvelles dialoguent à travers les âges.
Nous poursuivons notre exploration jusqu’à l’église de Sant’Antonio. Plus modeste en apparence, elle cache un autel en bois polychrome du XVIIIe siècle qui capte immédiatement notre regard. Autour, les statues de San Francesco, de Sant’Antonio et d’autres saints semblent veiller sur le lieu. Il y a dans cette petite église une chaleur humaine que nous ressentons intensément, comme si les prières accumulées au fil des siècles flottaient encore dans l’air.


Site archéologique de Su Nuraxi
Quand nous arrivons devant le site de Su Nuraxi de Barumini, le ciel est lourd, menaçant, et le vent soulève des rafales de poussière autour de nous. L’entrée est malheureusement fermée à cause du mauvais temps, mais nous décidons de découvrir ce site exceptionnel depuis l’extérieur. Face à nous, le complexe nuragique, dressé à 238 mètres d’altitude, émerge fièrement de la colline. Même à distance, nous ressentons toute la puissance de cette forteresse cyclopéenne, bâtie entre 1500 et 1300 avant Jésus-Christ.

À travers la clôture, nous distinguons parfaitement la tour centrale massive, flanquée de ses quatre tours secondaires reliées par des murs épais. Nous imaginons les générations de bâtisseurs qui, pierre après pierre, ont donné naissance à cette architecture impressionnante, sans mortier, uniquement par la taille et l’emboîtement des blocs. En nous promenant autour du site, nous devinons les contours du village nuragique qui s’étendait autrefois tout autour : de petites huttes circulaires, abris modestes témoignant d’une vie communautaire intense.
L’histoire du lieu nous habite pleinement : nous savons que Su Nuraxi fut non seulement une forteresse militaire, mais aussi un centre vital pour ses habitants, avec des silos alimentaires, des puits, et un système de défense complexe. Notre imagination vagabonde : nous entendrions presque les voix lointaines des anciens Sards, les bruits de la vie quotidienne dans ce monde disparu. Malgré les gouttes de pluie qui commencent à tomber, nous restons encore un moment, fascinés par ce patrimoine inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1997.
Nous repartons à regret, promettant de revenir un jour pour explorer pleinement les ruelles de pierre et monter dans les tours de cet extraordinaire témoignage de la civilisation nuragique. Aujourd’hui, même sous la pluie, Su Nuraxi nous a profondément marqués.

Barumini
Le ciel s’éclaircit légèrement lorsque nous rejoignons le cœur de Barumini, à quelques minutes de route. Dès nos premiers pas dans le village, nous ressentons une sérénité particulière. Les ruelles étroites et pavées, les maisons anciennes aux murs épais, tout semble vibrer d’histoire. Nous débutons notre promenade devant la paroisse de la Sainte Vierge Immaculée, un bel édifice du XVIe siècle qui incarne avec élégance le gothique tardif sarde. Son clocher carré se détache sur le bleu du ciel, tandis que l’intérieur respire la solennité et la dévotion.


Nous poursuivons en visitant l’inattendu palais Zapata. Son architecture baroque, imposante et raffinée, est superbe, mais la vraie surprise est sous nos pieds : grâce aux passerelles de verre, nous découvrons les vestiges de Su Nuraxi ‘e Cresia, un second complexe nuragique découvert sous le palais. Marcher ainsi entre passé et présent, au milieu des pierres millénaires, nous procure une émotion intense que nous ne sommes pas prêts d’oublier.


Un peu plus loin, nous découvrons l’église San Francesco, du XVIIe siècle, attenante à un ancien couvent franciscain. Les pierres sombres du portail, patinées par le temps, racontent mille histoires silencieuses. Le calme qui règne autour de cet ensemble religieux nous invite à la contemplation. Puis nous visitons l’église San Giovanni, une merveille du XIIIe siècle au plan insolite, avec deux nefs et deux absides, un héritage des influences provençales médiévales.
Notre balade nous conduit ensuite aux abords de Barumini, où des chapelles rurales parsèment le paysage. Nous sommes charmés par Santa Lucia et sa loggia à neuf arcs en pierre, ainsi que par San Nicola, perchée sur une colline, presque seule face au vent. En chemin, nous passons devant les ruines de Santa Chiara, où quelques fragments de tuiles et un pan de mur nous murmurent la fragilité du temps.

Chiesa San Sebastiano
La route qui mène à Isili serpente à travers un paysage vallonné d’une beauté sauvage. Lorsque nous atteignons la Chiesa San Sebastiano, nous comprenons immédiatement que cet endroit est spécial. L’église est aujourd’hui enclavée dans un lac géré par un centre nautique qui n’ouvre qu’en été ; en posant le pied sur le sol face à un immense portail fermé, nous voyons poindre une petite déception. Cependant, rien ne nous décourage : en longeant la clôture, nous trouvons une petite ouverture discrète sur le côté, par laquelle nous nous glissons pour découvrir le site.

Face à nous, l’église, perchée sur un piton calcaire, se détache sur le bleu des eaux du lac San Sebastiano, créé par le barrage d’Is Barrocus. La vision est surréaliste : l’ancienne église se reflète comme dans un miroir, transformée en île mystérieuse au milieu des flots. Le calme est absolu, seuls quelques oiseaux viennent troubler la surface de l’eau. Nous sommes saisis par la beauté pure du lieu, par cette impression d’éternité suspendue.
Pour mieux admirer le panorama, nous rejoignons la route départementale qui surplombe le lac. De notre belvédère, la vue est encore plus spectaculaire : la Chiesa San Sebastiano semble flotter entre ciel et eau, nimbée d’une lumière douce. Nous restons longuement là, éblouis par tant de grâce silencieuse.


Laconi
Nous arrivons à Laconi, au cœur d’une Sardaigne intérieure qui semble battre plus lentement qu’ailleurs. Très vite, le charme discret de ce village nous enveloppe. C’est avec une sorte de respect silencieux que nous poussons la porte de l’église de Sant’Ambrogio Sant’Ignazio da Laconi. L’air frais, la lumière tamisée et l’odeur de pierre ancienne nous émeuvent. Nous sentons presque la présence de saint Ignace de Laconi, humble frère capucin dont la vie de service imprègne encore les lieux.

Deux petits parcs bordent l’entrée du village, oasis de fraîcheur où nous nous arrêtons un moment. Dans l’un, une statue catholique, presque cachée parmi les arbres, semble bénir les promeneurs anonymes. L’endroit est simple, apaisant, hors du tumulte du monde.
Au fil de notre déambulation, nous découvrons les autres joyaux spirituels du bourg : l’église de Sant’Antonio Abate, austère et solide, l’église de San Giovanni, plus légère, et l’église de San Daniele, discrète et recueillie. Chaque bâtiment semble avoir son propre souffle. Devant les vestiges de l’église de Santa Chiara, aujourd’hui disparue, une étrange mélancolie nous gagne ; les pierres parlent du temps qui passe, des souvenirs qu’on ne retient pas toujours.


Un peu plus loin, le palais Aymerich dresse ses lignes élégantes au bord de la forêt. Nous suivons un chemin qui grimpe doucement jusqu’à les ruines du château médiéval. Là-haut, la vue s’ouvre sur le village et les bois alentour, et nous nous sentons tout petits, comme suspendus entre ciel et nature. Le château, en ruine, semble fondre dans la forêt, et cette fusion nous émerveille.
Puis nous pénétrons dans le Museo della Statuaria Preistorica in Sardegna, surnommé aussi Menhir Museum. Les statues-menhirs, gravées par des mains anonymes il y a des millénaires, nous regardent d’un air immuable. Face à ces figures pétrifiées, nous ressentons un vertige fascinant, celui d’un passé si ancien qu’il défie l’imagination.



Notre balade nous mène enfin à l’immense parc Aymerich. À chaque détour de sentier, des ruisseaux clapotent, des cascades jaillissent, comme la Cascata Maggiore, éclatante sous la lumière. L’endroit invite au silence, au rêve, au lâcher-prise. Plus loin, la forêt de Funtanamela prolonge cette plongée verte, et nous nous laissons guider au hasard, grisés par l’odeur de la terre humide et la caresse des feuillages.

Badesi
C’est par une route bordée de collines couvertes de vignes et de genévriers que nous atteignons Badesi. Petit village posé entre ciel et mer, il vibre d’une vie tranquille, réchauffée par le soleil du nord-ouest sarde. Nous rejoignons notre résidence Pierre-et-vacances pour la semaine et pouvons enfin nous consacrer à la découverte de ce territoire du Nord de l’île.

Notre première visite est pour l’église paroissiale du Sacré-Cœur. Sa façade simple mais fière domine la place centrale. Nous y entrons pour quelques instants de calme, appréciant la fraîcheur de ses murs et la lumière douce filtrant par les vitraux. Puis, un peu plus loin, nous découvrons l’église de San Giovanni Battista à La Tozza, et l’église de San Francesco entre les hameaux de Lu Muntigghjoni et L’Azzagulta, témoins discrets mais émouvants de la piété rurale.

Mais l’appel de la mer est irrésistible. En descendant vers la côte, nous découvrons la plage de Poltu Biancu. Immense, sauvage, bordée de dunes que parfument myrte et arbousier, elle nous coupe le souffle. Les eaux turquoise s’étendent à perte de vue, et nous plongeons avec bonheur dans leur fraîcheur vivifiante.

À l’arrière de la plage, la flore méditerranéenne explose de senteurs et de couleurs. Le vent sculpte les genévriers, les herbes dansent, et nous nous sentons enveloppés par une nature encore vierge.

Tempio Pausania
De bon matin, en nous approchant de Tempio Pausania, alors que la pluie a repris de plus belle, nous sentons que l’air change : plus frais, plus vif. La ville, faite de granit gris, s’étire à l’ombre du mont Limbara, imposant et rassurant. Dès nos premiers pas, le charme opère. Les ruelles pavées, les maisons ordonnées, les petites places silencieuses forment un ensemble harmonieux qui nous donne l’impression de remonter le temps.
Nous nous dirigeons instinctivement vers la cathédrale de San Pietro. Sa façade néoclassique éclate sous le soleil, massive et rassurante. À l’intérieur, nous sommes saisis par la hauteur de la nef unique, par la douceur de la lumière filtrant sur la fresque de Mario Paglietti représentant Saint Pierre. Le silence est presque tangible, propice à l’introspection.

Non loin de là, l’oratoire du Rosaire avec sa façade gothique-aragonaise nous émerveille par ses détails ciselés. À quelques pas, l’église de Santa Croce, plus baroque, nous accueille avec ses rondeurs généreuses. Chaque église semble raconter une page différente du roman de Tempio.
Nous continuons notre périple religieux avec l’église de San Francesco, petit bijou de la Renaissance locale. Puis viennent l’oratoire du Purgatoire, avec ses réminiscences espagnoles, l’église Sant’Antonio et l’église San Giuseppe, chacune déposant dans notre mémoire une empreinte différente, entre recueillement et émerveillement.
L’architecture civile n’est pas en reste. Devant le palais Pes de Villamarina, majestueux et sobre, nous imaginons les fastes d’autrefois. Le Palazzo Sanguinetti, avec ses fresques élégantes, et le théâtre du Carmine, charmant avec son allure Liberty, complètent ce tableau vivant d’une ville cultivée et fière de son histoire.
En flânant sur le Corso Matteotti, la Via Roma ou la Via Mannu, nous nous laissons bercer par la douceur tempese. Sur les places Gallura, d’Italia, du Marché ou Fabrizio De André, les voix basses des habitants et le tintement des verres de café rythment l’instant. Au bord de la Fonte Nuova, l’eau fraîche entre nos mains nous semble plus pure, plus précieuse qu’ailleurs.

Olbia
Nous arrivons à Olbia sous un grand ciel bleu, avec cette excitation particulière que l’on ressent au seuil d’une ville qui promet tant. À peine arrivés dans la ville, l’air marin chargé de soleil nous enveloppe. La route vers le centre historique traverse une ville vibrante, entre modernité discrète et vestiges anciens qui semblent surgir au détour de chaque rue. Nos cœurs battent à l’unisson : Olbia, ce nom qui chante déjà dans nos têtes, nous appelle à la découverte.
Nous commençons notre exploration de la ville en rejoignant la basilique San Simplicio. En entrant, nous sommes happés par la douceur brute de la pierre romane, par l’odeur ancienne qui flotte dans l’air. Sous nos pas, l’histoire palpite : nous descendons dans le musée souterrain sous la basilique, où les tombes alignées murmurent des récits oubliés. Le silence est profond, presque sacré. À la sortie, l’église San Paolo nous accueille avec son dôme de majolique éclatant, une explosion de couleurs qui nous arrache un sourire émerveillé.


A proximité, aux côtés d’un parking de voiture, un trésor se niche : la nécropole de la ville qui nous accueille pour une entrée modique de 5 euros ; le site admirablement constitué nous permet de découvrir à notre gauche, par une vitre monumentale, des voitures cherchant à se garer, tandis que nous profitons pleinement de ce pur moment de découverte.



Nous garons ensuite notre véhicule au port et après avoir découvert une belle promenade du front de mer, agrémentée de nombreuses statues contemporaines et quelques monuments aux morts, nous rejoignons le centre de la ville où à peine entrés, nous assistons au concert improvisé de deux jeunes femmes artistes talentueuses.


Dans la ville elle-même, les empreintes romaines nous fascinent. Nous longeons les murailles puniques, admirons les vestiges discrets de l’aqueduc romain et la grandeur éteinte du forum antique. Nous remontons le Corso Umberto. Les façades Art nouveau, délicatement travaillées, captent la lumière. Devant le Palazzo Colonna et la villa Clorinda, nous ralentissons le pas, savourant la douceur italienne de la scène. Le théâtre Michelucci, silhouette audacieuse, nous étonne : cette touche contemporaine semble résumer Olbia, tournée vers l’avenir sans renier son passé. Un verre en terrasse achève la soirée, dans la douce effervescence d’une ville vivante.
Le centre nous permet de découvrir, accueillis par un concert improvisé de 2 jeunes femmes, plusieurs bâtiments notables : le palais municipal et la bibliothèque.



Le parc Fausto Noce, vaste et accueillant, est un havre de fraîcheur en plein cœur urbain. Nous nous laissons porter par ses allées ombragées, par la danse légère des feuilles. Plus loin, même si l’accès est limité, nous longeons le parc fluvial du Padrongianus, rêvant déjà aux sentiers boisés qui suivent son cours. Olbia nous apparaît comme un équilibre subtil entre nature et civilisation.
Au détour d’une ruelle, la Chiesa Parrocchiale di S.Paolo Apostolo semble émerger pour notre plus grand plaisir.

Porto Cervo
Porto Cervo nous accueille avec son luxe inégalé et son ambiance sophistiquée. Nous décidons de nous rendre à l’église Stella Maris, située au-dessus de la marina. Cette église moderniste, tout en courbes et en matériaux naturels, se dresse comme une œuvre d’art à part entière. Le calme qui y règne contraste profondément avec l’agitation de la station balnéaire, et la vue panoramique sur la baie est tout simplement splendide. Nous nous arrêtons un moment, savourant la sérénité de cet endroit, avant de reprendre notre exploration du village.


Nous déambulons autour de la Piazzetta delle Chiacchere, un endroit central où les bâtiments aux couleurs pastel se mêlent harmonieusement à l’architecture méditerranéenne. Les ruelles étroites nous mènent à Sottopiazza, un autre lieu animé où boutiques de créateurs et restaurants raffinés offrent une expérience visuelle et sensorielle incomparable. Chaque coin du village semble conçu pour le confort des visiteurs fortunés, avec des yachts imposants qui stationnent dans la marina et des vitrines pleines de produits de luxe.

En flânant dans les rues de Porto Cervo, nous nous rendons vite compte que ce village est un véritable lieu de rencontres mondaines. Dans le village, il est courant de croiser des personnalités internationales : des stars du cinéma, du sport ou des affaires, qui viennent se détendre ou faire la fête. Cristiano Ronaldo, Lionel Messi et Kylian Mbappé possèdent des résidences dans la région, et il n’est pas rare de les apercevoir dans un café ou un restaurant avec vue sur la mer. Nous nous sentons un peu comme des spectateurs dans une scène de film, entourés de glamour et de beauté.

Le port de Porto Cervo, avec ses deux zones distinctes, offre un autre visage du village. D’un côté, le vieux port, plus intime, nous permet de profiter de l’atmosphère tranquille, alors que de l’autre, le nouveau port accueille des yachts gigantesques. La nuit, les quais s’illuminent et prennent vie, et nous nous perdons dans l’ambiance festive qui s’installe. Entre les restaurants haut de gamme et les bars à cocktails, Porto Cervo ne dort jamais. Chaque soirée semble être un événement en soi.

Palau
Palau nous offre un tout autre charme, plus authentique et naturel. Un peu excentré, le phare de la ville permet de voir passer les ferrys empruntant une voie fortement navigable qui en longe les côtes. Nous profitons ainsi d’une pause bien méritée dans ce voyage intense.


Nous rejoignons ensuite un promontoire où la vue qui nous accueille est terrifiante de beauté, le tout accompagnés par un monument inscrivant les grande lettres qui composent le nom du territoire municipal.


En arrivant dans le centre de ce village côtier, nous sommes frappés par la simplicité de ses rues. Le centre du village, animé mais moins frénétique que celui de Porto Cervo, abrite l’église Notre-Dame-des-Grâces, un lieu de recueillement paisible.

Le port, véritable cœur battant de la ville, est un point de départ idéal pour explorer les îles de l’archipel de La Maddalena. Les petites embarcations croisent les ferrys, et l’ambiance est détendue, comme un appel à la tranquillité.

Un de nos premiers arrêts est le Roccia dell’Orso, un rocher imposant de granit façonné par les siècles. Perché à 122 mètres d’altitude, il ressemble à un ours géant tourné vers la mer. Nous grimpons lentement jusqu’au sommet, et à chaque pas, la vue devient de plus en plus spectaculaire. Le paysage autour de nous est d’un bleu profond, et l’on devine l’archipel de La Maddalena qui semble flotter au loin.
En poursuivant notre exploration, nous arrivons à la forteresse du Mont Altura, un ancien fort militaire construit à la fin du XIXe siècle. Depuis ce point de vue, nous admirons la baie dans toute sa splendeur. Le vent nous apporte une fraîcheur agréable, et nous nous sentons littéralement au sommet du monde. Ce fort, aujourd’hui ouvert au public, témoigne du passé stratégique de la région, mais il offre avant tout une vue imprenable sur les alentours.
Les plages de Palau sont nombreuses et variées. Nous découvrons avec émerveillement la plage de Sciumara, bordée de pinèdes, ainsi que la plage d’Isuledda, qui s’étend sur deux kilomètres de sable fin, entre rivière et mer. Le lieu est préservé, protégé des vents du nord, ce qui en fait un spot idéal pour les plaisanciers.


Le site archéologique de Lu Brandali
Le site archéologique de Lu Brandali, situé près de la baie de Santa Reparata, nous plonge immédiatement pour une entrée modeste de 5 euros dans un autre temps. En arrivant, nous sommes frappés par la beauté du paysage et la richesse historique du site. Le nuraghe, une imposante structure défensive en pierres sèches, se dresse devant nous. Bien qu’il soit partiellement effondré, il conserve sa majesté et son caractère. Nous explorons les différentes pièces du site, imaginant la vie des anciens habitants de ces lieux.

Nous arrivons ensuite à la tombe des Géants, un lieu impressionnant de calme et de mystère. Ce monument funéraire, bien que partiellement en ruines, conserve une grande part de sa solennité. Le couloir de pierre menant à la tombe semble nous inviter à réfléchir sur les rituels anciens.

Au bas du nuraghe, nous découvrons les vestiges du village nuragique. Les cabanes circulaires, construites en pierres, sont disposées selon le relief, créant un ensemble harmonieux. Certaines de ces cabanes servaient de foyers pour la production de céramique et d’outils, d’autres abritaient des fours. Nous nous intéressons aux objets retrouvés sur place : des récipients en terre cuite, des outils agricoles, et des vestiges de la vie quotidienne, qui nous donnent un aperçu de l’ingéniosité des anciens Sardes.

Le site nous offre aussi un autre aspect fascinant : les taphones, des abris sous roche utilisés par les habitants pour stocker leurs récoltes ou comme lieux de refuge. Ces constructions simples mais ingénieuses témoignent du mode de vie des populations préhistoriques, qui savaient exploiter leur environnement de manière rationnelle et durable. En observant ces structures, nous nous sentons transportés dans l’histoire ancienne de l’île.

Santa Teresa Gallura
Située à l’extrémité nord de la Sardaigne, Santa Teresa Gallura est une petite commune aux charmes multiples, à la fois point stratégique entre la Sardaigne et la Corse et véritable perle de la région de Gallura. Avant de nous immerger dans l’atmosphère paisible du centre piétonnier, nous faisons une première halte devant le fort de Santa Teresa, qui se dresse sur un promontoire, surveillant l’horizon de ses murs de pierre. Cet ancien bastion militaire offre une vue imprenable sur les eaux claires des Bouches de Bonifacio.


Une fois à l’intérieur du village, nous arpentons les rues pavées du centre historique, avec ses bâtiments d’architecture néoclassique et ses nombreuses églises, comme l’église de San Vittorio, véritable cœur spirituel du village. Ces lieux, empreints d’histoire, se mêlent harmonieusement à la vie locale.

Les plages autour de Santa Teresa Gallura, comme la plage de Rena Bianca, sont réputées pour leur sable fin et leurs eaux translucides, idéales pour les baignades. Non loin de là, le Capo Testa nous invite à une immersion dans une nature intacte et sauvage. Ce lieu, parsemé de rochers sculptés par le vent, est aussi une zone riche en vestiges historiques, avec des moulins à vent datant d’une époque lointaine. Le territoire aussi un paradis pour les randonneurs, offrant des sentiers où l’on peut admirer de superbes panoramas sur la mer. Ce site, souvent balayé par les vents, nous offre une expérience unique de calme et de contemplation.

Santa Teresa Gallura se distingue également par son rôle stratégique dans les liaisons maritimes entre la Sardaigne et la Corse. Le port de plaisance, situé à quelques pas du centre, est un point de passage incontournable pour les voyageurs en ferry. Lors de nos visites, nous apercevons des yachts et des voiliers qui ancrent ici, ajoutant à l’élégance de ce village côtier. Les vues sur l’île de Corse et les paysages environnants, notamment au coucher du soleil, créent un spectacle inoubliable, véritable invitation à la rêverie.


Le Faro di Punta Sardegna
Perché à l’extrémité de la Sardaigne, le Faro di Punta Sardegna est un phare isolé et majestueux, véritable sentinelle des Bouches de Bonifacio. Nous arrivons près de ce bâtiment qui date de 1913, offrant une vue panoramique sur l’archipel de La Maddalena et sur les eaux cristallines de la mer Tyrrhénienne. Ce phare est un lieu emblématique, non seulement pour sa fonction vitale de navigation mais aussi pour son architecture distinctive. Sa tour quadrangulaire en pierre blanche se dresse fièrement, dominant le paysage de ses 15 mètres de hauteur, avec sa lanterne qui éclaire l’horizon toutes les 5 secondes.

Autour du phare, les paysages sont d’une beauté brute. Nous explorons les criques comme Cala di Trana et Porto Pollo, aux eaux turquoise éclatantes, mais c’est en observant les vestiges militaires de la Fortezza di Monte Altura et de la Batteria Militare Talmone que nous plongeons dans l’histoire militaire de la région. Ces structures, maintenant silencieuses, témoignent des stratégies défensives qui ont façonné ce territoire. Ces ruines, en contraste avec le phare et les paysages naturels, racontent une histoire de résistance et de protection de ce point stratégique entre la Sardaigne et la Corse.

La zone autour du phare est idéale pour les amateurs de randonnée et de photographie. Nous empruntons les sentiers qui serpentent à travers des terrains accidentés et des rochers baignés de lumière, tout en profitant des vues imprenables sur la mer. À chaque instant, le paysage change selon la lumière et l’angle, offrant ainsi des vues infiniment variées.

La Costa Paradisio
La Costa Paradiso, située entre Castelsardo et Santa Teresa Gallura, est un véritable paradis naturel où la mer et la montagne se rencontrent dans un tableau saisissant de beauté. Lorsque nous arrivons, nous sommes accueillis par un gardien protégeant l’accès de ce territoire, un lieu à la fois préservé et sauvage. Une sorte de village de vacances, implanté au milieu des rochers rouges et des falaises sculptées, nous plonge dans un décor unique.


En contrebas d’une magnifique colline sublimée par les anfractuosités de gros rochers, les vagues, battant violemment la côte, créent un spectacle apocalyptique alors que la tempête fait rage. Nous observons avec fascination cette mer déchaînée qui fait éclater les vagues contre les formations rocheuses, dans un tourbillon de puissance et de lumière.



En explorant la côte, nous découvrons des criques et des plages immaculées comme Cala Li Cossi, qui se révèle après une courte marche à travers les falaises. Les eaux cristallines qui bordent ces plages nous invitent à la contemplation, tandis que le maquis méditerranéen, aux senteurs intenses, nous enveloppe.

Ce contraste entre la douceur des journées ensoleillées et la violence des tempêtes fait partie intégrante de l’expérience unique que nous offre ce lieu. La nature nous montre ici toute sa force et son caractère indompté.



Rocher de l’Éléphant
Le lendemain matin, alors que la météo clémente nous apporte un semblant d’espoir pour la fin de notre séjour, nous roulons sur la route sinueuse qui relie Castelsardo à l’intérieur des terres lorsque soudain, à Multeddu, notre regard est happé par une apparition singulière : le rocher de l’Éléphant. Nous découvrons un énorme bloc de trachyte et d’andésite, haut de quatre mètres, dont la forme sculptée par le vent et la pluie évoque avec une précision saisissante un éléphant accroupi, la trompe presque posée au sol.

Face à cette silhouette, nous restons un instant fascinés. Les tons sombres et rougis de la roche contrastent vivement avec la végétation claire qui l’entoure, accentuant son allure mystérieuse. Nous observons comment la lumière du jour, changeant au fil des heures, sculpte encore davantage l’apparence de l’animal figé dans la pierre.
En nous approchant, nous découvrons que ce géant minéral renferme un secret encore plus ancien : deux petites domus de janas, des tombes creusées dans la roche par les peuples prénuragiques. En contemplant ces ouvertures discrètes, nous voyageons mentalement à travers des millénaires d’histoire, ressentant l’étrange lien entre la nature et les civilisations disparues.

Castelsardo
Castelsardo, un bijou médiéval perché sur un promontoire rocheux dominant le golfe d’Asinara, est l’une des perles les plus impressionnantes de la Sardaigne septentrionale. Pour commencer notre visite, nous nous arrêtons à Lu Bagnu, la seule grande plage de la commune, située en contrebas du village. Là, le sable doré et les eaux cristallines nous offrent une belle entrée en matière, avant de monter doucement vers le centre historique.

Après une baignade relaxante, nous montons vers le belvédère, où la vue panoramique sur la mer et les falaises est à couper le souffle, avec la Corse qui se profile parfois à l’horizon par temps clair.

Nous atteignons ensuite le centre moderne de Castelsardo, que nous traversons avant de grimper dans le cœur historique de la ville. Le chemin est sinueux, parsemé de petites places ombragées et de maisons en pierre. En chemin, nous croisons de nombreux bâtiments anciens qui témoignent de la richesse historique et culturelle du village. La cité, avec ses ruelles pavées et ses escaliers abrupts, nous invite à la flânerie. Le château des Doria, qui domine la ville, est un véritable symbole de son passé. Fondé en 1102, il abrite aujourd’hui le musée du Tissage Méditerranéen (MIM), un lieu captivant qui nous plonge dans l’histoire des artisans sardes.


À proximité, nous découvrons la co-cathédrale de Sant’Antonio Abate, un autre joyau de la ville. Son clocher, orné d’une majestueuse coupole en majolique polychrome, se distingue dès que nous entrons dans le centre historique. À l’intérieur, le retable du Maître de Castelsardo attire tous les regards. Cette œuvre d’art gothique sarde est un exemple saisissant de la richesse du patrimoine religieux de la ville. Sous la cathédrale, les cryptes abritent un musée consacré à cet artiste mystérieux, ajoutant une dimension artistique à notre visite.


Le patrimoine civil de Castelsardo est tout aussi impressionnant. Le palais Doria, un édifice imposant qui témoigne du pouvoir féodal de la famille Doria, se trouve non loin du château. Le palais de La Loggia, quant à lui, accueille actuellement le siège du conseil municipal. Nous poursuivons notre visite en nous dirigeant vers le palais Eleonora d’Arborea, où une exposition virtuelle de la ville nous permet de découvrir l’histoire de ce lieu unique.

Les fortifications de Castelsardo, quant à elles, sont un aspect incontournable de la ville. Le pont-levis et la porte Pisana, récemment restaurés, constituent encore aujourd’hui l’un des accès principaux au centre historique. Nous empruntons le sentier de la sentinelle, un chemin aménagé qui nous offre une vue imprenable sur la mer, avant de rejoindre la crique de Mandracho del Soccoro, un endroit calme et idyllique où nous pouvons observer les vestiges des anciennes fortifications.

Nous assistons également à la préparation des festivités de la fête de Pâques au sein d’une église magnifique, entourés de croyants à la ferveur visible et évidente.

Sassari
En arrivant à Sassari, deuxième plus grande ville de Sardaigne après Cagliari, nous sommes immédiatement frappés par la richesse historique et la vivacité de cette cité. Mélange subtil entre tradition et modernité, Sassari nous invite à une exploration fascinante de son passé tout en restant résolument tournée vers l’avenir. Alors que nous déambulons dans ses rues, il est impossible de ne pas ressentir l’empreinte des siècles passés, laissée par les Pisans, les Génois et les Aragonais. Les bâtiments, les places et les monuments nous racontent chacun une partie de l’histoire de cette ville aux multiples facettes.
Dès notre arrivée, nous ne pouvons manquer la cathédrale Saint-Nicolas, qui domine majestueusement le centre-ville. Cette cathédrale, construite au XIIe siècle, nous impressionne par la diversité de ses influences architecturales. La façade baroque du XVIIIe siècle contraste avec l’intérieur sobre et épuré, nous offrant un moment de sérénité au cœur de la ville. Mais Sassari ne se contente pas d’une seule grande église.


À quelques pas, l’église Santa Maria di Betlem nous attire par son clocher octogonal et son mélange harmonieux de styles gothiques et baroques. En explorant la ville, nous découvrons aussi des lieux plus anciens, comme San Michele di Plaiano, datant du XIIe siècle, et l’église rupestre de Funtana Gutierrez, un vestige fascinant du VIIe au IXe siècle. Ces sites nous plongent dans les racines profondes de la spiritualité et de l’histoire religieuse de Sassari.


Nous poursuivons notre aventure à travers la ville en découvrant l’impressionnante architecture civile qui caractérise Sassari. Le Palazzo Ducale, édifié entre 1775 et 1804, est un lieu incontournable. Ce palais, qui abrite aujourd’hui l’hôtel de ville, nous offre un aperçu du raffinement aristocratique de l’époque. Nous marchons ensuite vers la Piazza d’Italia, où nous admirons le palais Provincial et le palais Giordano, des bâtiments qui symbolisent l’essor administratif du XIXe siècle. À chaque coin de rue, nous découvrons de magnifiques maisons anciennes, comme la maison Montanyans, et d’autres vestiges du passé, comme le palais Tola, qui combine des éléments du XVIe au XIXe siècle.

L’histoire de Sassari n’est pas seulement inscrite dans ses églises et ses palais, mais aussi dans son urbanisme. La fontaine de Rosello, construite entre 1585 et 1606, est l’un des symboles de la ville. Ancien point de rassemblement pour les femmes qui y faisaient leur lessive, elle est aujourd’hui un lieu emblématique qui se trouve à quelques pas du marché couvert municipal. Nous prenons le temps d’observer cette magnifique fontaine, tout en remarquant les bâtiments alentours, comme l’Université de Sassari, fondée en 1617, et le Palazzo della Frumentaria, un ancien grenier public.
En poursuivant notre exploration, nous nous dirigeons vers les remparts médiévaux de Sassari, vestiges d’un passé militaire. Édifiés au XIIIe siècle, ces remparts comptaient autrefois 36 tours, dont six subsistent encore aujourd’hui. L’une d’elles, la Turondola, nous offre une vue imprenable sur la ville et ses environs. Les murs de la ville, bien que partiellement détruits, sont encore visibles le long de rues comme le Corso Vico et la Via Torre Tonda. Nous avons également l’occasion de visiter le site de l’ancien château de Sassari, démoli en 1877. Sur ses fondations se trouve aujourd’hui la caserne La Marmora, mais des fouilles archéologiques ont permis de découvrir les vestiges de cet imposant édifice.
Les musées de Sassari sont un autre moyen de découvrir l’histoire de cette ville riche et complexe. Le musée Sanna, fondé au XIXe siècle, nous plonge dans l’histoire de la Sardaigne à travers une vaste collection d’objets archéologiques et ethnographiques. Le musée d’art contemporain de Sassari, situé dans l’ancienne Casa Professa, nous offre une immersion dans la création artistique moderne et contemporaine de l’île. Pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur l’artisanat local, le pavillon de l’artisanat Eugenio Tavolara, construit dans les années 1950, est un lieu incontournable pour comprendre l’âme artisanale de la ville.
Nous découvrons également les places de Sassari, véritables centres de vie et de convivialité. Modeste mais emplie de charmed, la Piazza del Castello évoque l’ancien château aragonais, aujourd’hui disparu, mais qui demeure un lieu symbolique pour les habitants. La Piazza Azuni, quant à elle, nous accueille dans une ambiance plus animée, avec ses cafés et ses commerces. Enfin, la Piazza San Antonio, dominée par son église éponyme, nous offre un espace paisible, propice à la détente et aux événements locaux.

Mais Sassari n’est pas seulement une ville d’histoire ; elle est aussi un lieu de nature et de détente. Le parc de Monserrato, récemment restauré, est l’un des plus beaux jardins de la ville, avec ses allées sinueuses, ses fontaines et ses escaliers monumentaux. Nous profitons également des paysages environnants, comme les plages de Platamona, Porto Ferro et Argentiera, qui offrent un cadre idyllique pour se ressourcer après une journée de découvertes.
Nous avons la chance de pouvoir accompagner une procession durant laquelle, un prêtre, en vue de la fête de Pâques, arpente les rues, accompagné par une foule dense et compacte, récitant des liturgies, dans une ambiance protocolaire.

Il est précédé par plusieurs pèlerins qui portent à bout de bras de lourdes statues représentant les Saints et la Vierge Marie.

Nous terminons notre visite par la découverte du marché municipal couvert où nous pouvons admirer un véritable pan de la vie locale. Au milieu des stands de poissons et de charcuterie, les habitants nous accueillent avec le sourire, satisfaits de voir des étrangers s’intéresser à leur vie quotidienne.


Porto Torres
Lorsque nous arrivons à Porto Torres, nous sentons tout de suite le poids de l’histoire mêlé à la vitalité d’une ville tournée vers l’avenir. Nous explorons une cité qui, forte de près de 20 800 habitants, incarne l’alliance harmonieuse entre patrimoine archéologique, ferveur religieuse et paysages naturels d’exception.
Nous commençons notre visite par l’imposante basilique de San Gavino, édifiée en 1080. En pénétrant dans ce chef-d’œuvre roman, le plus grand de Sardaigne, nous ressentons une émotion profonde, renforcée par la dévotion aux saints martyrs Gavino, Proto et Gianuario. À proximité, nous suivons un itinéraire sacré entre San Gavino a Mare, Balai Lontano et les autres églises qui tissent un réseau spirituel à travers la ville.



En parcourant les rues, nous admirons les témoignages du génie civil, comme le Palazzo del Marchese et la gare maritime de Porto Torres, vestiges d’un passé prospère. Nous longeons les anciens quartiers industriels, découvrant aussi le souvenir du complexe Ferromin.
Deux autres lieux saints liés au culte se dressent merveilleusement dans le paysage urbain : l’église de San Gavino a Mare (1850), appelée aussi Balai vicino, bâtie au bord de la mer sur les lieux supposés de leur martyr, et Santu Bainzu Ischabizzaddu. À ces sanctuaires s’ajoutent l’église de la Vierge de la Consolata, d’un élégant style néoclassique signé Giuseppe Cominotti (1826), et la poignante chapelle austro-hongroise de Sant’Efisio et San Gavino, érigée par des prisonniers de guerre internés à Asinara entre 1915 et 1916, complétée par un ossuaire commémoratif élevé en 1936.
Dans la ville, le Palazzo del Marchese, splendide bâtiment néoclassique, est une autre œuvre de Cominotti, tout comme l’ancienne école De Amicis (1912), premier véritable établissement scolaire moderne de la ville. L’ancien musée du Port (1872), au charme industriel, est né comme gare ferroviaire, tandis que la gare de Porto Torres Marittima, inaugurée la même année, marquait la fin du trajet du chemin de fer Ozieri-Chilivani.
Les places centrales de Porto Torres, véritables cœurs battants de la cité, renforcent cette impression d’unité urbaine forgée à travers les siècles. Piazza Umberto I, où trône l’hôtel de ville, concentre l’activité politique et sociale, tandis que Piazza Garibaldi, non loin de la tour du port, reste l’un des plus anciens points de rassemblement populaires.


Enfin, nous explorons les trésors archéologiques de Turris Libisonis : thermes romains, mosaïques, nécropoles préhistoriques nous racontent, couche après couche, la longue occupation humaine de ce territoire. La récente découverte d’une nécropole romaine près du Fiume Santo nous rappelle que Porto Torres reste encore aujourd’hui un livre ouvert sur l’histoire.
Pour clore notre visite, nous nous reposons dans les parcs verdoyants de San Gavino et Robert Baden-Powell, ou nous respirons l’air frais dans la pinède de La Farrizza. Sur le front de mer, face à la mer immuable, nous comprenons pourquoi Porto Torres incarne si bien la force tranquille de la Sardaigne du Nord.


Stintino
Nous atteignons Stintino par une route sinueuse qui offre des vues spectaculaires sur la Méditerranée. Avant d’entrer dans le village, nous faisons une halte aux abords d’un belvédère qui nous donne à la fois la possibilité de découvrir une belle vue sur un fort et sur le bourg, tout en profitant de plusieurs monuments intéressants, dont une statue contemporaine représentant un visage gravé dans un bloc de marbre.


À l’extrême nord-ouest de la Sardaigne, ce petit village de pêcheurs, fondé en 1885, nous plonge instantanément dans une atmosphère intemporelle. Les ruelles blanches, les petites maisons et les rires qui résonnent au loin nous accueillent chaleureusement. Le passé de Stintino est encore vivant : il est palpable dans chaque détail, chaque regard tourné vers la mer. Nous nous laissons guider jusqu’au centre du bourg, dominé par l’élégante église de l’Immaculée Conception.

Nous poursuivons notre promenade jusqu’au port, qui bruisse doucement d’activités. Un petit phare veille à l’entrée, et une statue moderne commémore l’amitié entre Stintino et le Japon. En visitant les lieux de culte, nous découvrons aussi l’église Saint-Nicolas, dédiée aux marins, et l’église de Sant’Isidoro, qui rappelle l’importance de la terre dans ce village tourné vers la mer. Ces bâtiments simples, mais profondément symboliques, racontent l’histoire d’une communauté attachée à ses racines.



Plage de La Pelosa
En quittant Stintino par la route panoramique, nous sentons déjà le parfum salé de la mer mêlé aux effluves du maquis. Dès que nous posons les yeux sur la plage de La Pelosa, nous restons sans voix. Le sable est si blanc, si fin, qu’il semble irréel, presque éclatant sous la lumière dorée du matin. Nous traversons un bar de plage dans lequel des dizaines de visiteurs affluent. Tous semblent s’être donné le mot. Après plusieurs jours de mauvais temps, les premiers rayons de soleil de la saison estivale les a amenés en masse, profiter de la douceur de ce printemps qui émerge doucement.

Devant nous, la mer offre un camaïeu incroyable de bleus, du turquoise pâle au bleu profond. Nous avançons dans l’eau peu profonde, qui reste aux chevilles sur des dizaines de mètres, en riant de cette sensation étrange d’être entre deux mondes, où le ciel et l’océan se fondent.

Nous installons nos serviettes près d’un sentier de genêts en fleurs, dont le parfum sucré emplit l’air. Tout autour de nous, les récifs de Capo Falcone, l’île Piana et l’Asinara dessinent un rempart naturel, protégeant la plage de la houle. Même lorsque le mistral souffle au large, ici, la mer reste calme, comme une immense piscine naturelle. Nous nous laissons flotter dans cette eau claire, fascinés par la transparence incroyable qui laisse voir chaque grain de sable, chaque mouvement de lumière au fond.

Après quelques heures de baignade, nous marchons jusqu’à la petite baie de La Pelosetta, où un étroit bras d’eau nous sépare d’un îlot minuscule surmonté d’une antique tour aragonaise. Nous nous amusons à imaginer les guetteurs d’autrefois, scrutant l’horizon depuis ce perchoir du XVIᵉ siècle. L’air est doux, la mer étincelle, et tout autour, le silence n’est troublé que par le cri lointain des mouettes.

Sources thermales de Casteldoria
En quittant la côte vers l’intérieur des terres, nous remontons la vallée du Coghinas, un ruban vert entre collines dorées. Notre destination : les sources thermales de Casteldoria. Le paysage change peu à peu ; les vignes cèdent la place aux roches rouges et aux forêts de chênes verts. Lorsque nous atteignons Santa Maria Coghinas, la chaleur devient plus intense, comme si la terre elle-même respirait sous nos pas.

Au bord du Coghinas, l’eau chaude jaillit en filets sulfureux, se mêlant doucement au courant froid de la rivière. Pieds nus sur les galets, nous avançons prudemment jusqu’à trouver un bassin naturel, où l’eau atteint une quarantaine de degrés. Le contraste est délicieux : l’air est vif, l’eau est chaude, le décor, sauvage. Tout autour, la gorge porphyrique enferme ce petit paradis secret. Nous nous installons dans l’un des bassins, savourant cette expérience unique au milieu de la nature.

Non loin, l’ancien établissement thermal veille sur les lieux. Même abandonné depuis 2023, son architecture élégante raconte une autre époque, celle où les curistes aristocrates venaient prendre les eaux dans un luxe discret. De part et d’autre du fleuve dont les rives sont rejointes par un pont moderne, des petits sentiers aménagés permettent de rejoindre d’autres bassins, plus isolés. Nous croisons plusieurs familles, venues profiter de ces bienfaits gratuits et authentiques, loin du tumulte touristique.

Isola Rossa
Nous arrivons à Isola Rossa en début d’après-midi, alors que la lumière éclatante du soleil inonde la côte nord de la Sardaigne. Dès notre entrée dans le village, nous ressentons cette atmosphère paisible si typique des anciens hameaux de pêcheurs. Les maisons blanches, les cafés animés et les ruelles fleuries nous enveloppent immédiatement d’une douce sensation de vacances. Nous nous arrêtons un instant sur le port où les lettres multicolores formant la Costa Rossa offrent une invitation parfaite à la photographie. Au loin, l’îlot de granit rouge qui donne son nom au village illumine l’horizon de ses teintes flamboyantes.

Sans tarder, nous gagnons la plage Longa, située au cœur du village. Son sable blanc et doux sous nos pieds et la limpidité de l’eau nous émerveillent. De nombreuses familles profitent de la baignade dans cette mer calme et peu profonde. Plus loin, nous découvrons la plage de Li Femini, encore plus tranquille, idéale pour se reposer à l’ombre d’un parasol naturel formé par les rares pins maritimes. L’ambiance est sereine, presque méditative, et nous nous laissons bercer par le clapotis régulier des vagues.
En longeant le sentier côtier, nous atteignons La Marinedda, une crique sauvage à un kilomètre seulement du village. Ici, la nature semble reprendre ses droits : les roches rouges plongent dans une mer aux reflets changeants, du turquoise au bleu profond. Quelques surfeurs profitent de la houle modérée, tandis que nous nous aventurons dans l’eau, encore plus transparente qu’ailleurs. L’endroit est préservé, enchanteur, et donne l’impression d’un monde à part, loin de l’agitation.
Avant de terminer notre journée, nous flânons autour du port d’Isola Rossa, le seul entre Santa Teresa di Gallura et Castelsardo. Avec ses 400 anneaux, il offre tous les services imaginables pour les plaisanciers. Nous observons les bateaux qui oscillent doucement, bercés par la brise marine. En levant les yeux, nous apercevons les collines ondulantes vers le mont Tinnari.

Alghero
Le lendemain, nous arrivons à Alghero par une douce matinée, quand la lumière dorée caresse les remparts anciens. Nous nous garons aux abords du port et pouvons découvrir une des tours qui parsèment la ville.

Dès les premiers pas, nous ressentons cette atmosphère si particulière, où flotte encore l’esprit catalan. Le centre historique nous accueille avec ses ruelles pavées, ses façades ocre et ses volets colorés, derrière lesquels le murmure discret d’une langue millénaire se mêle à l’italien. Nous déambulons sans hâte, effleurant les murs en pierre, humant les odeurs d’iode et de pâtisseries sucrées qui s’échappent des boutiques. À chaque détour, une tour surgit, un bastion se dresse, et la mer scintille au loin.


Nous longeons les remparts médiévaux qui protègent la vieille ville depuis des siècles. Le long des bastions Marco Polo et Cristoforo Colombo, des canons rouillés pointent encore la mer, témoins silencieux d’un passé tumultueux. Nous faisons halte sur une terrasse panoramique pour admirer l’eau limpide et les voiles blanches qui dansent à l’horizon. Les tours de l’ancien système défensif : la Torre di Porta Terra, la Torre di San Giacomo, la Torre Sulis, jalonnent notre parcours, autant de repères entre ciel et mer.

La magie opère pleinement dans le dédale du centre ancien. Nous passons sous des arcs gothiques, longeons des palais au style catalan, et la place Civique nous ouvre ses bras, encadrée par d’élégantes façades. Chaque boutique, chaque restaurant semble raconter une histoire, souvent ornée de corail rouge, symbole vivant de la ville. Nous nous arrêtons pour goûter un bon croissant à la pistache tout en dégustant un café. Les voix, les rires, le cliquetis des couverts dans les établissements en plein air composent une musique de fond joyeuse et familière.
L’écho de l’histoire est partout. Nous découvrons avec émerveillement les noms des rues : Carrer de l’Hospital, Carrer Major, Plaça del Bisbe… Cette survivance linguistique donne à notre promenade une teinte d’exotisme inattendu. À chaque coin, des sculptures, des plaques commémoratives ou des portails sculptés rappellent que Alghero fut un bastion stratégique ardemment disputé entre royaumes et empires. Nous nous laissons porter par cette ambiance, entre ombre et lumière, passé et présent.

À l’heure où la chaleur devient plus douce, nous retrouvons les bastions pour voir le soleil descendre lentement derrière l’horizon. Installés sur un muret, face à l’infini, nous comprenons pourquoi tant de voyageurs tombent amoureux de Alghero. Le vent porte l’odeur salée de la mer, le ciel s’embrase de pourpre et d’or, et autour de nous, la ville vibre doucement, fidèle à elle-même, intemporelle et vivante.
Notre exploration de Alghero se poursuit naturellement vers la majestueuse Cattedrale di Santa Maria. Nous la découvrons en débouchant sur la Piazza Duomo, et son clocher octogonal élancé attire immédiatement nos regards. L’extérieur, sobre et élégant, ne laisse rien présager de la richesse intérieure. Nous franchissons les grandes portes en bois, et aussitôt, nous sommes enveloppés par une fraîcheur apaisante, bercés par la lumière tamisée filtrant à travers les vitraux colorés. Les voûtes gothiques catalanes, les autels baroques et le marbre délicatement travaillé nous plongent dans un silence respectueux.


Nous déambulons lentement dans la nef centrale, nous attardant devant les chapelles latérales ornées de sculptures, de fresques et d’ornements dorés. Les détails architecturaux témoignent de l’influence catalane, encore une fois si présente.
En redescendant, nous longeons la Via Principe Umberto, puis bifurquons vers la charmante église de San Michele. Son dôme couvert de faïences multicolores nous attire, éclatant sous le soleil comme une mosaïque précieuse. Nous pénétrons dans l’église, beaucoup plus intime que la cathédrale, baignée d’une lumière douce. Les bancs en bois usé, les peintures anciennes et l’ambiance recueillie nous invitent à nous asseoir un instant, à goûter à cette atmosphère paisible, hors du temps.
Autour de San Michele, les ruelles s’animent avec des artistes de rue, des petites galeries et des boutiques d’artisanat. Nous flânons en admirant les œuvres exposées : bijoux en corail, céramiques peintes, tableaux représentant les côtes sardes. Le passé catalan et l’âme sarde se mêlent dans un foisonnement de couleurs et de sons.

Nécropole d’Anghelu Ruju
Nous quittons Alghero pour rejoindre la nécropole d’Anghelu Ruju, à seulement quelques kilomètres. La route qui serpente à travers les vignes nous plonge déjà dans une ambiance hors du temps. À notre arrivée sur le site, un silence impressionnant nous enveloppe. Devant nous, des dizaines de tombes creusées dans le grès s’étendent sous un ciel éclatant. Nous sommes sur l’un des plus vastes complexes funéraires préhistoriques de Sardaigne, témoin d’une civilisation vieille de plus de 5 000 ans.


Dans ces hypogées, les cellules irrégulières révèlent une ingéniosité surprenante. D’autres tombes présentent des dromos, couloirs ouverts bordés de marches, qui mènent à des chambres taillées avec précision. L’architecture des lieux, à la fois fonctionnelle et symbolique, nous impressionne par son souci du détail et par l’idée forte d’accompagner les morts vers l’au-delà.

À l’intérieur, nous découvrons les parois ornées de protomés de taureaux sculptés et de fausses portes, symboles puissants du passage entre les mondes. Sur certaines pierres, des traces d’ocre rouge subsistent encore, témoins de rites de renaissance liés à la vie et à la mort. Nous restons silencieux devant ces symboles, tentant d’imaginer les rituels qui animaient cet endroit il y a plusieurs millénaires.


Complexe nuragique de Palmavera
Nous arrivons au complexe nuragique de Palmavera en quelques minutes de route. Le site, posé dans un écrin de verdure au pied du mont éponyme, nous accueille avec ses masses de pierres dorées par les siècles. D’emblée, nous sommes frappés par l’élégance massive des deux grandes tours nuragiques, construites en blocs de calcaire et de grès. Autour de nous, un silence presque sacré enveloppe les lieux, troublé seulement par le chant lointain des cigales.

À l’intérieur du complexe, nous explorons les vestiges de l’enceinte pentagonale qui enserrait autrefois cette petite citadelle. Nous suivons les courbes d’anciens murs, découvrant des structures défensives savamment agencées et des ruelles discrètes. Puis, nos pas nous mènent vers les huttes, disposées en cercles irréguliers autour du cœur du site. Près d’une cinquantaine de cabanes sont encore visibles, formant un village miniature figé dans le temps. Nous nous amusons à imaginer la vie quotidienne de ses habitants : artisans, guerriers, familles vivant à l’ombre des puissantes tours.


L’un des moments les plus émouvants de notre visite survient lorsque nous entrons dans la Capanna delle Riunioni, la hutte des Réunions. En son coeur, un banc circulaire en pierre entoure un petit trône, symbole probable du pouvoir collectif. Nous nous asseyons quelques instants sur ces pierres froides, ressentant presque les débats animés qui devaient animer cet espace il y a tant de siècles. En levant les yeux, nous découvrons même un modèle réduit de nuraghe, utilisé semble-t-il pour des rituels symboliques. Cette pièce nous donne une fascinante impression de lien direct avec une société structurée, réfléchie et profondément spirituelle.


Parc régional naturel de Porto Conte
Nous rejoignons le parc régional naturel de Porto Conte, impatients de découvrir ses paysages légendaires. Dès notre arrivée, après avoir découvert un authentique pont romain accessible depuis la route, la beauté sauvage du lieu nous subjugue : falaises blanches, forêts épaisses et criques bleu azur s’entrelacent dans un panorama d’une pureté rare. À mesure que nous avançons, les parfums du maquis méditerranéen emplissent l’ai r: thym, myrte, romarin sauvage, nous plongeant dans une douce torpeur. Notre regard est constamment attiré par la mer scintillante, bordée par les promontoires majestueux de Punta Giglio et Capo Caccia.

Un peu plus loin, nous atteignons la mythique grotte de Neptune, cachée au pied des falaises de Capo Caccia. Il est possible de l’aborder par l’Escala del Cabirol, cet escalier impressionnant de 654 marches taillé dans la roche. Ou de la rejoindre en bateau. Malheureusement, le mauvais temps des jours précédents ont entraîné l’annulation de toutes les traversées maritimes, ce qui ne nous laisse comme possibilité de la rejoindre, qu’un effort intense devant être effectué sur l’arpentage de ces marches en aller et en retour, soit une durée d’au moins 5 heures de visite. Notre planning étant chargé, nous devons rebrousser chemin.


Nous décidons d’explorer les sentiers du parc. Au sommet du Monte D’Olla, le point culminant, la vue est tout simplement à couper le souffle : d’un côté, les collines vertes ondulent à l’infini ; de l’autre, la mer se perd dans l’horizon. Nous croisons d’adorables petits chevaux de la Giara, des ânes blancs de l’Asinara, et même quelques daims timides dans la forêt domaniale Le Prigionette. Le chant des oiseaux accompagne notre randonnée, et nous repérons même, avec une pointe d’émotion, un griffon majestueux planant haut dans le ciel limpide.



Bosa
Lorsque nous arrivons à Bosa, la première vision qui nous saisit est celle du fleuve Temo, large et paisible, déroulant son ruban d’eau sous la lumière dorée de l’après-midi. Le cours du fleuve semble porter doucement la ville, où les maisons aux couleurs pastel s’alignent comme une fresque vivante.

Nous longeons le fleuve à pas lents, fascinés par le contraste entre la vie tranquille du présent et les échos du passé enfermés dans les vieilles pierres. Les tanneries de Bosa, uniques en Sardaigne, dévoilent leur enfilade régulière de pignons identiques. Nous devinons encore, derrière les murs épais, l’animation qui autrefois régnait ici, entre bassins de traitement du cuir et ateliers de finition. Les reflets des façades dans l’eau composent un tableau mouvant et lumineux, troublé seulement par quelques canards indolents. Peu à peu, nous nous laissons porter par l’ambiance tranquille, respirant cette douceur rare, cette impression que le temps, ici, s’étire au rythme du fleuve.
Nous quittons les berges pour pénétrer dans le centre historique de Bosa, en nous laissant guider par les ruelles pavées qui montent en courbes douces. À chaque tournant, une surprise nous attend : une petite place ombragée, un portail sculpté en trachyte rouge, un balcon débordant de bougainvilliers. Nous découvrons la Piazza Costituzione, cœur vibrant de la ville, dominée par la belle fontaine Sa Funtana Manna. Sous les platanes centenaires, les terrasses de cafés se remplissent doucement. Nous nous installons un instant pour savourer un café serré, bercés par le murmure des conversations, les éclats de rires d’enfants jouant autour de la fontaine, et le va-et-vient paresseux des habitants.
En continuant notre exploration, nous passons devant le majestueux palais Don Carlo, dont la façade noble raconte une histoire inachevée. Plus loin, nous atteignons le Pont’ezzu, magnifique ouvrage en trachyte rouge qui relie les deux rives du Temo depuis la fin du XIXe siècle. Nous traversons ce pont à pied, admirant la vue magnifique qu’il offre sur le fleuve et les collines environnantes.
Notre véhicule nous mène ensuite vers les hauteurs de la ville. Le chemin devient plus raide, grimpant en direction du château de Serravalle, également appelé château Malaspina. La montée est un peu rude sous la chaleur, mais la perspective d’une vue spectaculaire sur Bosa nous pousse à continuer.

Arrivés au sommet, nous découvrons l’entrée du château Malaspina. Le lieu, à première vue, semble prometteur : murs crénelés, tours émoussées par les siècles, herbes folles envahissant les anciennes cours. Pourtant, très vite, nous comprenons que la visite de l’intérieur n’offre pas grand intérêt : peu de pièces accessibles, pas de mobilier historique, seulement quelques pans de murs silencieux sous le ciel bleu. L’essentiel, ici, réside dans l’air vif, la sensation d’espace, et surtout dans le spectacle magnifique qui s’étale à nos pieds.
Nous préférons rester juste à côté de l’entrée, sur une plateforme naturelle d’où la vue panoramique est gratuite et spectaculaire. Sous nos yeux, Bosa s’étend dans toute sa splendeur : le Temo serpentant doucement jusqu’à la mer, les maisons colorées comme une mosaïque joyeuse, les collines ourlées de vignes et d’oliviers. Nous restons un long moment là, à savourer cette vision apaisante, bercés par le vent léger qui balaie la colline. Aucun billet d’entrée, aucun guide n’aurait pu améliorer cet instant de liberté suspendue.
En redescendant du château, nous prenons le temps d’explorer les petites églises disséminées dans les ruelles. Nous poussons la porte de la co-cathédrale de l’Immaculée Conception, dont l’intérieur baroque éclate en ors et en fresques colorées. Chaque détail, du marbre aux stucs, semble vouloir élever notre regard et notre âme. Nous restons quelques minutes assis sur un banc, admirant cette explosion de foi et de beauté, avant de repartir lentement dans la lumière dorée de la fin de journée.
Plus loin, nous tombons presque par hasard sur l’église de Sant’Antonio Abate, reconnaissable à sa façade rouge sombre et son portail en ogive. L’intérieur est plus sobre mais chargé d’émotion : un Christ gothique suspendu capte notre attention, tandis que les voûtes en croisée d’ogives racontent l’influence catalane sur l’île. Nous nous imprégnons du silence de ce lieu, du parfum discret des vieilles pierres et de l’encens.
Avant de quitter Bosa, nous faisons un détour par l’église campagnarde de San Pietro Extramuros, isolée à la sortie de la ville. Construite au XIe siècle, elle respire la simplicité solennelle du roman lombard. Seuls quelques oiseaux troublent la quiétude de ce site oublié du temps. Nous marchons autour de l’édifice, admirant la beauté brute de ses pierres, la pureté de ses lignes, la patine du temps qui en fait une œuvre vivante.

S’Archittu
Après tant d’émotions, nous ressentons le besoin de nous laisser bercer par la mer. Nous mettons donc le cap sur S’Archittu, ce petit hameau blotti sur la côte ouest de l’île. À notre arrivée, nous empruntons une jolie promenade dallée bordée d’arbustes parfumés, impatients de découvrir le fameux arc naturel qui a donné son nom au village. Après quelques minutes de marche, il se dévoile enfin : l’arc de S’Archittu, spectaculaire et pur, surgit au-dessus des eaux turquoise, comme une porte ouverte sur l’infini.

Nous restons un moment immobiles, fascinés par la blancheur éclatante de cette arche calcaire sculptée par l’érosion. La mer, d’un bleu profond, s’engouffre doucement sous sa voûte, créant un chant liquide envoûtant. Lorsque le soleil commence sa descente, la magie s’intensifie : les rayons rasants caressent la pierre, l’illuminant d’une lumière dorée. Nous assistons, émerveillés, à ce spectacle naturel grandiose, où l’eau et la roche semblent fusionner dans une étreinte silencieuse.

En contrebas, la petite plage nous tend les bras. Autour de nous, des familles profitent de la douceur des lieux, tandis que quelques nageurs téméraires s’approchent de l’arche pour passer dessous à la nage. Nous préférons, pour notre part, longer la côte en flânant : un peu plus loin, nous découvrons la plage Stella, protégée par un rocher surnommé la Baleine pour sa forme singulière. Chaque recoin de S’Archittu nous dévoile une facette nouvelle, entre poésie et silence.

Les autres incontournables
La Sardaigne regorge de trésors encore trop peu connus, bien au-delà de ses plages réputées : elle abrite une multitude d’autres sites incontournables mêlant nature sauvage, vestiges archéologiques, villages authentiques, traditions vivantes et panoramas spectaculaires. Parmi ces merveilles, nous allons découvrir ensemble quelques lieux emblématiques qui témoignent de la richesse et de la diversité culturelle, historique et paysagère de cette île fascinante.
Parc archéologique de Tamuli
Le parc archéologique de Tamuli se situe dans les collines verdoyantes de la Barbagia di Macomer, près de Macomer. Ce site nuragique majeur rassemble plusieurs structures fascinantes : trois tombes de géants, un nuraghe, les vestiges d’un village et six mystérieux bétyles. Tamuli offre ainsi un témoignage exceptionnel sur la monumentalité funéraire de la culture nuragique et son lien profond avec la nature environnante.
La tombe de géants principale, Tamuli I, impressionne par ses dimensions et son architecture sophistiquée. Son exèdre semi-circulaire, son long couloir funéraire et sa chambre en abside révèlent un soin particulier dans la taille des pierres et l’organisation spatiale. La maîtrise technique de la construction, associée à des éléments décoratifs, traduit à la fois un savoir-faire et une esthétique rituelle développée.
La particularité la plus intrigante de Tamuli réside dans ses six bétyles, dont trois sont ornés de formes mammaires, probablement liées à des cultes de la fertilité. Leur présence, énigmatique, continue d’alimenter les hypothèses sur les croyances nuragiques. Le parc compte aussi divers éléments architecturaux uniques, comme des pierres dentées et des dalles percées, témoignant de rituels complexes et d’un symbolisme riche.
Oristano
Oristano est une ville historique ancrée dans la plaine du Campidano, ancienne capitale du judicature d’Arborea. Avec ses 30 000 habitants, elle conserve un héritage médiéval remarquable, visible notamment dans ses nombreuses églises, son urbanisme régulier et sa forte tradition spirituelle. L’atmosphère d’Oristano est imprégnée de son passé judiciaire, religieux et civil, incarné par des monuments et des festivités vivantes.
Le centre historique est dominé par la cathédrale de Sainte Maria Assunta, reconstruite en style baroque après des siècles de transformations. Autour, s’égrènent des sanctuaires emblématiques comme l’église San Francesco de style néoclassique, ou Santa Chiara, en style franco-gothique. La périphérie conserve aussi des églises de pèlerinage importantes, notamment à Donigala Fenughedu et Sili, renforçant la densité spirituelle d’Oristano.
Oristano ne se limite pas à son patrimoine religieux : elle conserve d’imposants édifices civils et militaires comme le Palazzo Giudicale, les fortifications médiévales et la tour San Cristoforo. Le développement moderne a vu naître de nouveaux quartiers, intégrant de récentes églises et bâtiments civiques.
Area archeologica di Tharros
L’Area archeologica di Tharros se déploie au sud de la péninsule du Sinis, face au golfe d’Oristano. Dans un cadre spectaculaire entre mer, collines et promontoire, les ruines de cette ancienne cité témoignent de plusieurs civilisations : phénicienne, carthaginoise et romaine. L’harmonie entre la nature et les vestiges crée un paysage chargé d’histoire et de poésie.
Parmi les vestiges majeurs de Tharros, on distingue le temple tétrastyle dominant la mer, les thermes du Convento Vecchio, et l’important castellum aquae, preuve d’une ingénierie hydraulique avancée. L’ordonnancement urbain, structuré autour du cardo et du decumanus maximus, montre une organisation typique des villes antiques, adaptée ici à un relief côtier splendide.
Les fondations d’habitations, les échoppes et les temples dispersés sur les collines dessinent encore la trame vivante de l’ancienne Tharros. Le jeu de lumière sur les pierres blondes, la mer toute proche et le souffle du vent marin accentuent l’impression de voyage à travers le temps.
Valle della Luna
Au bout du promontoire de Capo Testa, près de Santa Teresa Gallura, s’ouvre la Valle della Luna, aussi appelée Cala Grande. Cette vallée étroite, longue d’environ 500 mètres, est encerclée de majestueux blocs de granit aux formes étranges, façonnés par le vent et le temps. Sous la lumière du soleil ou de la lune, les pierres prennent des teintes spectaculaires, oscillant entre le blanc éclatant et l’argenté mystérieux, donnant au site une atmosphère irréelle. Le couloir naturel s’étire jusqu’à la mer, révélant une enfilade de criques et de plages discrètes.
La végétation méditerranéenne, dense et odorante, épouse la roche : myrtes, genévriers, bruyères et arbousiers forment un maquis compact qui parfume l’air. Entre les creux des rochers apparaissent de petites piscines naturelles aux eaux turquoise, créant un contraste saisissant entre le vert, le gris et le bleu. Ce décor sauvage, presque hors du temps, offre un refuge apprécié des randonneurs, des amateurs de nature, mais aussi des artistes et voyageurs en quête d’authenticité.
Pour accéder à la Valle della Luna, plusieurs sentiers escarpés partent des parkings proches de Rena di Ponente ou du phare de Capo Testa. Le cheminement, entre sable et granite, demande une bonne condition physique mais offre des panoramas inoubliables. Tout autour, les plages de Santa Reparata, Rena Bianca ou Cala Spinosa complètent la découverte de ce promontoire unique, où l’eau, la pierre et la lumière dialoguent en permanence.

Fonni
Situé à plus de 1000 mètres d’altitude, Fonni est le plus haut village de Sardaigne, niché dans les montagnes de la Barbagia di Ollolai. Avec ses ruelles escarpées, ses maisons de pierre et ses fresques murales, Fonni conserve une identité montagnarde forte, imprégnée de traditions pastorales et religieuses. Le village, à l’écart des flux touristiques, est réputé pour ses processions, ses fêtes populaires et son art sacré.
Son patrimoine religieux est impressionnant : la basilique Santa Maria dei Martiri, ornée de fresques baroques, constitue le centre spirituel du village. Non loin, les églises de Saint-Jean-Baptiste, de la Sainte-Croix et du Rosaire enrichissent l’atmosphère de recueillement, tandis que le sanctuaire de la Madonna del Monte, perché au milieu des forêts de genévriers, invite à la méditation. Les traditions vivantes de Fonni se retrouvent également dans la procession de mai, événement majeur de la communauté.
Fonni possède aussi un riche patrimoine archéologique : le sanctuaire nuragique de Gremanu, unique pour son système hydraulique antique, en est l’exemple majeur. Aux alentours, les tombeaux des Géants de Madau et Bidistili, ainsi que les nombreux nuraghi et menhirs, témoignent d’une occupation millénaire du territoire.

Nuoro
Capitale culturelle de la Barbagia, Nuoro est profondément ancrée dans les traditions sardes. Le Corso Giuseppe Garibaldi, artère vivante de la ville, est bordé de commerces, d’ateliers d’artisans et de cafés historiques, témoins d’une vie intellectuelle foisonnante. Dans cette ville, Grazia Deledda, prix Nobel de littérature, a grandi, et sa maison natale, devenue musée, est l’un des symboles de la ville, tout comme les œuvres publiques d’artistes comme Maria Lai ou Costantino Nivola.
Nuoro conserve un riche patrimoine religieux avec la cathédrale Santa Maria della Neve, édifiée dans un style néoclassique au XIXe siècle, mais aussi de nombreuses petites églises comme San Carlo, Santa Croce ou Nostra Sennora ‘e sa Gràssia. Ces édifices, parfois discrets, révèlent l’âme fervente et l’histoire longue de la ville, entre rites anciens et expressions artistiques. Les ruelles du centre, les places en granit, les fontaines et les monuments évoquent un monde rural devenu poétique.
Dominant la ville, le mont Ortobene est un symbole spirituel et naturel majeur : culminant à 955 mètres, il est couronné par la statue monumentale du Rédempteur. Autour, des sentiers conduisent à d’anciennes églises rurales, des bergeries en pierre, et des sites de mémoire comme la Sa Conca. À quelques kilomètres, le village semi-abandonné de Lollove prolonge l’impression de voyage hors du temps, entre ruines médiévales, paysages sauvages et silence contemplatif.
Le site archéologique de Tiscali
Le site archéologique de Tiscali, situé dans une doline effondrée au cœur du massif du Supramonte à Dorgali, est l’un des endroits les plus mystérieux de Sardaigne. Daté entre le XVe et le VIIIe siècle avant Jésus-Christ, il témoigne d’une occupation stratégique destinée probablement à échapper à des menaces extérieures. Ce village nuragique, volontairement dissimulé et difficile d’accès, fut brièvement réinvesti durant la période romaine, illustrant ainsi une longue continuité d’utilisation en période d’instabilité.
La structure du village se divise en deux groupes de huttes : au nord, une quarantaine de cabanes aux formes diverses, bâties en pierres jointes par de la boue, technique rare en Sardaigne. Le bois de térébinthe était utilisé pour les linteaux, preuve de l’exploitation locale des ressources. Cette architecture rudimentaire suggère une installation d’urgence ou une organisation communautaire adaptée à des conditions de vie difficiles, dans un environnement hostile et isolé.
Le second groupe de constructions, situé au sud-ouest de la doline, rassemble des cabanes rectangulaires de plus petite taille, probablement destinées au stockage ou à l’abri du bétail. La doline elle-même est aujourd’hui un écrin de nature intacte, peuplé de térébinthes, yeuses, lentisques et érables, formant un sanctuaire végétal méditerranéen protégé et presque irréel.
Argentiera
Argentiera est un ancien village minier situé sur la côte nord-ouest de la Sardaigne, aujourd’hui classé site d’intérêt communautaire et intégré au parc géo-minier historique et environnemental de l’île. À son apogée, il fut prospère grâce à ses exploitations d’argent, mais après leur fermeture, Argentiera devint un hameau fantôme, entre abandon et reconquête culturelle. Aujourd’hui, ses vestiges industriels et ses paysages singuliers attirent visiteurs, artistes et projets de réhabilitation.
Parmi les édifices restaurés, la buanderie, le puits du Podestà et l’église de Santa Barbara dominent le site. Cette dernière, perchée au-dessus du village face à la mer, est un point emblématique, marquant l’union entre l’histoire industrielle et la dimension spirituelle du lieu. À proximité, le vieux cimetière, encore utilisé, conserve dans son silence les souvenirs d’une communauté minière soudée autour de son dur labeur.
La crique d’Argentiera, avec son sable gris issu des résidus miniers, constitue un paysage côtier unique en Sardaigne. Ses eaux sauvages et ses plages divisées par des vestiges industriels offrent un décor fascinant, loin des circuits touristiques classiques. Le site attire aujourd’hui les passionnés de randonnée, de photographie et d’exploration de paysages post-industriels.

L’île d’Asinara
L’île d’Asinara, au nord-ouest de la Sardaigne, est un territoire préservé d’une biodiversité exceptionnelle, classé parc national et zone marine protégée. Son maquis méditerranéen, ses criques secrètes et ses forêts relictuelles comme la forêt d’Elighe Mannu contrastent avec la rudesse de ses montagnes, telles que Punta della Scomunica, culminant à 408 mètres. Les plages protégées, notamment Cala Sant’Andrea et Cala d’Arena, sont interdites au public pour préserver la faune locale, comme le goéland corse.
L’accès à l’île se fait uniquement par ferry depuis Porto Torres ou Stintino, sans possibilité d’emmener un véhicule personnel. Pour découvrir Asinara, il faut emprunter des navettes, des trains sur pneus, louer des vélos ou participer à des excursions en Jeep électrique. Parmi les plages ouvertes au public, Cala dei Ponzesi séduit par ses eaux cristallines et sa nature luxuriante, tandis que Cala Reale constitue le centre historique, abritant notamment l’ancien palais Royal et des structures hospitalières d’époque.
L’île est également marquée par son passé carcéral : de la colonie pénitentiaire agricole à la prison de haute sécurité de Fornelli, utilisée jusqu’aux années 1990 pour enfermer des membres de la mafia sous le régime strict du 41-bis. S’y ajoutent les tours espagnoles du XVIe siècle et les Domus de Janas préhistoriques, ainsi que l’ossuaire austro-hongrois, discret mais poignant, qui garde la mémoire des 7 048 soldats morts durant la Première Guerre mondiale.

Île de San Pietro
Située au sud-ouest de la Sardaigne, l’île de San Pietro est un havre méditerranéen authentique. Son unique village, Carloforte, séduit par ses ruelles, ses maisons colorées, son dialecte tabarkino et ses traditions maritimes. Parmi ses trésors figurent les colonnes de Carloforte, vestiges antiques peu connus, ainsi que l’animation culturelle qui culmine avec la célèbre Festa del Tonno, dédiée à la pêche traditionnelle du thon rouge. Reliée quotidiennement à Calasetta et Portovesme via la compagnie Delcomar, l’île combine ambiance chaleureuse et histoire vivante.
La nature intacte de San Pietro est protégée par le réseau Natura 2000. Les amoureux de plages et de criques seront comblés : parmi les plus renommées, citons la plage de Punta, Tacca Rossa, Cantagallina, Longue crique, ainsi que les familiales Girin et Guidi. Pour plus d’authenticité, direction Rush Beach, la plage de Bobba, la plage de Conca, ou encore l’incontournable Cala Fico, encaissée entre falaises abruptes. Ces sites aux eaux cristallines offrent des expériences de baignade et de randonnée inoubliables.
Les trésors géologiques ajoutent à la magie de l’île : la falaise de Conca au nord-ouest, la falaise de Bue Marino au sud, ou encore la Chaire, un rocher naturel en forme de champignon emblématique. Les piscines naturelles de Nasca séduisent par leur beauté brute. Parmi les panoramas à ne pas manquer figurent le Sandalo di Testa et Cala Vinagra, sans oublier la pointe de l’Oie, spectaculaire au coucher du soleil. L’ancienne pêcherie de thon de La Punta rappelle quant à elle la forte tradition halieutique de San Pietro.
Île de Tavolara
Émergent tel un géant minéral au large d’Olbia, Tavolara est l’une des îles les plus saisissantes de Sardaigne. Formant la pièce maîtresse de la zone marine protégée de Tavolara – Punta Coda Cavallo, elle offre des paysages vertigineux dominés par son sommet à 560 mètres. L’histoire insolite du royaume de Tavolara, petite monarchie reconnue autrefois par Charles-Albert de Savoie, se découvre dans son cimetière monumental, où repose la dynastie des Bertoleoni, ajoutant une touche mystérieuse et unique à cette île d’apparence invincible.

Les paysages de Tavolara révèlent des merveilles : la splendide plage de Spalmatore di Terra, unique zone plate de l’île, est le principal point d’ancrage des visiteurs. À l’ouest, Cala Tramontana charme par son aspect sauvage et son calme profond. Les plus sportifs peuvent tenter l’ascension partielle de la montagne, en traversant un maquis méditerranéen dense et parfumé, peuplé d’oiseaux marins, dont le majestueux goéland d’Audouin. Les excursions sont bien organisées, permettant de profiter pleinement de cet environnement grandiose.
Dans l’archipel environnant, Molara offre des piscines naturelles aux eaux turquoise parfaites pour la baignade, tandis que Molarotto, sanctuaire interdit d’accès, protège des espèces rares d’oiseaux marins. Sur la côte sarde, des sites comme le Cap Ceraso et la pointe de l’Isuledda proposent des panoramas d’exception sur l’ensemble de l’archipel.
Archipel de La Maddalena
Entre Sardaigne et Corse, l’archipel de La Maddalena déroule un chapelet d’îles éclatantes de beauté. Parmi elles, La Maddalena, Caprera, Spargi, Santo Stefano, Santa Maria, Budelli et Razzoli, toutes enchâssées dans le parc national de l’Archipel de La Maddalena. La ville principale de La Maddalena accueille les visiteurs avec ses charmantes ruelles, l’église Santa Maria Maddalena, la chapelle de la Madonnetta, et ses musées : musée diocésain et musée naval. Les ferries rapides depuis Palau rendent l’archipel aisément accessible.
Les plages et criques sont parmi les plus époustouflantes de Méditerranée : Cala dello Spalmatore, Cala Abbatoggia, Cala di Giardinelli, Cala Francese ou encore Bassa Trinita offrent des décors entre granit et eaux cristallines. L’histoire militaire est également omniprésente, avec les nombreuses fortifications disséminées, et la colonne Garibaldi rappelle l’importance historique de l’archipel. Chaque site offre des panoramas inoubliables, entre nature brute et vestiges du passé.
À Caprera, reliée à La Maddalena par un pont, le Compendio Garibaldino dévoile la Casa Bianca, le tombeau de Garibaldi et le fort Arbuticci. Les amateurs de randonnée découvriront les criques secrètes de Cala Coticcio, Cala Portese et Cala Brigantina. Sur Budelli, la mythique Spiaggia Rosa fascine par ses reflets uniques. Enfin, Spargi, Santa Maria, Razzoli et Santo Stefano complètent cette constellation d’îles à explorer en respectant la nature préservée par le Parco Nazionale.

Grottes de Neptune
Les grottes de Neptune, situées près d’Alghero sur la côte nord-ouest de la Sardaigne, sont l’un des plus impressionnants chefs-d’œuvre naturels de l’île. Formées il y a environ deux millions d’années, elles s’étendent sur quatre kilomètres au sein du parc naturel de Porto Conte, dans la zone protégée de Capo Caccia-Isola Piana. On y accède de deux manières spectaculaires : en bateau depuis Alghero ou Cala Dragunara (supplément de 15 euros) ou bien par l’Escala del Cabirol, un escalier de 654 marches taillé dans la falaise, offrant des vues spectaculaires sur la mer.
À l’intérieur, le visiteur découvre un décor féérique de stalactites, stalagmites, plages de sable blanc et lacs souterrains. Le parcours touristique, d’environ un kilomètre, conduit à travers plusieurs salles remarquables : le lac La Marmora, profond de neuf mètres, la fameuse « Acquasantiera », et l’« Arbre de Noël », emblématique formation calcaire. Les salles portent des noms évocateurs comme la salle des ruines, le palais, la salle Smith, célèbre pour son impressionnante colonne de 18 mètres ou encore la salle des trine et des merletti, décorée de colonnes fines comme de la dentelle. Le clou de la visite est sans doute la tribune de la musique, balcon naturel dominant le lac et ses colonnes majestueuses.
Au-delà du parcours classique, les spéléologues professionnels explorent les parties inaccessibles au public comme le lac dei funghi, la galerie du Metrò ou encore l’immense lac semi-lunaire. Tout autour, d’autres cavités, telles que la grotte dei pizzi e ricami ou la grotte Verte, enrichissent le réseau karstique sous-marin. À proximité, l’île Foradada, percée d’un tunnel naturel, complète l’ensemble. Pour prolonger l’aventure, la visite de la Riviera del Corallo, célèbre pour son corail rouge, et du Capo Galera, avec ses vestiges de la Seconde Guerre mondiale, offre une immersion totale dans la richesse naturelle et historique de ce coin de Sardaigne.
Arzachena
Située dans le nord-est de la Sardaigne, Arzachena est une ville dynamique réputée à la fois pour son riche patrimoine archéologique et la beauté de son littoral. Ses fameux escaliers peints, qui changent de décoration selon les saisons et les fêtes locales, donnent à son centre un cachet artistique unique. Le cœur spirituel de la ville bat autour de ses églises : Santa Maria della Neve, datant de 1716, et sa version moderne de 1993, ainsi que l’église Santa Lucia, dominant la ville depuis une colline. Chaque édifice reflète l’attachement des habitants à leur culture religieuse et leur histoire.
Arzachena est célèbre pour son exceptionnelle concentration de vestiges de l’époque nuragique. Le site du nuraghe Albucciu, adossé à une formation granitique, témoigne de techniques architecturales raffinées. À proximité, la tombe de géants de Coddu Vecchiu, haute de quatre mètres, impressionne par sa monumentalité, tout comme le temple de Malchittu et le village de La Prisgiona. Ces sites archéologiques offrent une plongée fascinante dans les croyances et modes de vie des Sardes préhistoriques, entre rites funéraires élaborés et organisation sociale complexe.
L’immense territoire communal d’Arzachena inclut la légendaire Costa Smeralda, destination emblématique du tourisme de luxe avec Porto Cervo, Cannigione ou Baja Sardinia. Entre plages de sable blanc, mer turquoise, marinas de prestige et petites criques sauvages, la région attire une clientèle internationale. La nature, elle aussi, est omniprésente : les étangs de Saloni forment un refuge pour de nombreuses espèces protégées, tandis que les anciens « stazzi » parsèment l’intérieur rural de la Gallura, rappelant les profondes racines paysannes et pastorales d’Arzachena.
Atzara
Blotti dans la province de Nuoro, au cœur de la Barbagia, Atzara est un village authentique qui a su préserver l’âme de la Sardaigne intérieure. Avec ses ruelles étroites, ses maisons en granit couvertes de vignes, et son cadre naturel exceptionnel sur les pentes du Gennargentu, Atzara offre un véritable voyage dans le temps. Réputée pour ses vignobles et son vin Mandrolisai, la commune conserve une forte identité rurale vivante, où les traditions agricoles et artisanales demeurent profondément ancrées.
Sur le plan religieux, Atzara abrite plusieurs églises remarquables. L’église San Giorgio, mentionnée dès 1205, reflète l’histoire ancienne du village avec son architecture simple et solide. Plus impressionnante encore, l’église paroissiale Sant’Antioco Martire, de style gothique aragonais, se distingue par sa façade épurée et son imposante rosace. Le clocher roman, vestige d’une époque plus ancienne, complète cet ensemble patrimonial, tandis que les églises rurales alentour, telles que Santa Maria de Giosso et Santa Maria de Susu, racontent l’histoire religieuse d’une communauté autrefois dispersée dans les collines.
Atzara est également riche d’un patrimoine archéologique discret mais précieux : domus de janas, nuraghes comme le nuraghe d’Abbagadda, et tombes de géants jalonnent la campagne environnante. Le passé minier du village, visible à travers d’anciennes exploitations de barytine et de graphite, témoigne de son activité économique passée. Enfin, le musée d’Art Moderne Antonio Ortiz Echagüe (MAMA) rend hommage aux artistes séduits par la beauté d’Atzara, soulignant l’influence durable de cette petite commune dans le paysage culturel sarde.

Conclusion
Notre séjour en Sardaigne s’est révélé tout simplement merveilleux, dépassant toutes nos attentes tant par la diversité de ses paysages que par la richesse de son patrimoine. Des falaises vertigineuses de Capo Caccia aux plages immaculées de la Costa Smeralda, en passant par les vallées sauvages du Gennargentu, chaque étape a offert un émerveillement constant. L’authenticité des villages, la beauté brute de la nature et la magie intemporelle des sites archéologiques nous ont plongés dans un voyage où histoire, culture et nature se mêlaient harmonieusement.
La gastronomie sarde a été une véritable révélation, riche en saveurs sincères et en produits du terroir. Chaque repas, du plus simple agritourisme aux trattorias traditionnelles, a été une fête des sens : pain carasau croustillant, fromages affinés comme le pecorino, ragoûts parfumés, poissons frais grillés, sans oublier les délicieuses seadas nappées de miel. Les vins locaux, notamment le Cannonau, le Vermentino et le Mandrolisai, ont sublimé chaque plat. Partout, nous avons senti un profond respect pour les traditions culinaires, transmis avec fierté et générosité.
Enfin, l’accueil chaleureux des Sardes a marqué durablement notre voyage. Toujours souriants, disponibles et sincèrement heureux de partager leur île, les habitants nous ont fait sentir comme chez nous. Que ce soit dans une auberge isolée, sur un sentier de montagne ou dans les ruelles animées d’un village, la bienveillance était omniprésente. Ce mélange rare d’authenticité, de beauté et de convivialité a fait de notre séjour en Sardaigne une expérience inoubliable.

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