Nous avons été volés en Équateur…et nous avons retrouvé le voleur !
Si voyager est une véritable richesse au travers des émotions vécues, le voyage en lui-même peut réserver des mauvaises surprises. Non pas qu’un pays soit particulièrement plus dangereux qu’un autre, mais face à l’inconnu, il est toujours possible de faire des mauvaises rencontres qui peuvent dénaturer une expérience et transformer son rêve en cauchemar. C’est ce que nous avons vécu en Équateur, un pays magnifique où une péripétie a bien failli transformer notre vision du voyage à jamais.
Alors que nous nous trouvons en Amérique du Sud depuis plusieurs mois, nous découvrons un continent incroyable aux multiples places mythiques. Ayant acheté une voiture en Guyane française, nous sommes parvenus à remonter jusqu’au Guyana, puis à traverser tout le Brésil en faisant un petit détour par le Venezuela, avant de rejoindre l’Argentine, la Chili, la Bolivie, le Pérou puis l’Équateur.
Si nous avons pu voyager sans trop d’encombre, mis à part un vol de nos sacs d’habits au Pérou, dans la région de Puno, en quelques secondes devant un hôtel quatre étoiles, nous ne rencontrons pas de gros problèmes. Les paysages andins sont exceptionnels et les gens, d’un accueil sans pareil.
Néanmoins, nous restons vigilants et prudents, car nous savons qu’en Amérique du Sud, plus particulièrement, les vols peuvent survenir à tout moment.
Les pays se succèdent et les trésors que nous visitons s’enchaînent. L’Espagnol que nous avons appris avant notre voyage s’affine et nous pouvons à présent, après plusieurs mois sur les routes, prendre réellement le pouls des pays dans lesquels nous nous trouvons. Et après avoir abandonné notre véhicule en panne au Pérou, nous continuons notre voyage en bus.
En arrivant en Équateur, plus particulièrement à Guayaquil, nous sommes accueillis par une population chaleureuse et faisons nos premiers pas dans ce pays dont le nom est également porté par la ligne qui sépare les deux hémisphères.
Après une petite escapade dans les îles Galapagos, nous sommes de retour dans le pays en entrant dans la capitale et prenons la route vers le Nord avec entre plusieurs stops, la découverte de la ville d’Otavalo. C’est le début de notre histoire…et de ses difficultés.
Si vous souhaitez découvrir notre voyage en Équateur de manière complète, n’hésitez pas à vous rendre sur le lien suivant, afin de faire connaissance avec notre récit photographique complet : https://hors-frontieres.fr/recit-de-voyage-equateur-nord/
La découverte de la ville d’Otavalo
Lorsque nous découvrons cette ville de 40 000 habitants située au Nord de la région andine, dans la province d’Imbabura à une altitude de 2530 mètres, nous sommes subjugués par la symphonie visuelle des nombreux marchands du marché local dans lequel, se vendent surtout des produits artisanaux.
A chaque stand, les vendeurs tentent de nous alpaguer gentiment en nous proposant de belles pièces de tissus ou des colliers qu’ils bradent pour quelques pesos.
Le tissage est la première production artisanale municipale et elle est effectuée principalement par les locaux, dont le peuple indigène en porte le nom éponyme de la ville.
La notoriété de cette fabrication a permis de faire d’Otavalo, un des sites touristiques les plus fréquentés du pays, le grand marché du samedi étant un pourvoyeur de visites qui permet de bénéficier à une économie locale supérieure à celle des autres régions de l’Équateur.
L’achat du ticket
Dans un recoin du marché, nous décidons de manger un morceau, avant de récupérer dans notre hôtel, nos bagages et de prendre un chauffeur de taxi, pour nous conduire jusqu’à la station internationale de bus.
Après quelques minutes de route en présence d’un jeune chauffeur sympathique, nous parvenons jusqu’à un arrêt dans lequel nous questionnons les éventuels passagers, qui nous confirment l’arrivée prochaine du bus nous menant à la frontière colombienne.
Tout d’abord surpris de découvrir un arrêt de bus qui se sent esseulé en frontière de la ville en place et lieu d’une station de bus moderne comme celles que nous avons rencontrées jusqu’à présent, nous apprenons que la ligne démarre à Quito et que l’arrêt dans lequel nous nous trouvons n’est qu’un arrêt parmi d’autres en direction de la frontière colombienne.
Au bout de quelques minutes, un bus rutilant arrive et se gare sur le côté. Bariolé de couleurs, partagées entre le rouge, l’orange et le blanc, il ouvre ses portes pour laisser sortir le collègue du chauffeur qui ouvre les portes latérales du coffre afin que les passagers puissent y placer leurs bagages.
Nous entrons dans le bus et expliquons que nous souhaitons nous rendre à la frontière. Le chauffeur, un jeune homme à la bonhomie naissante nous demande la modique somme de 5 euros par personne et nous place au-devant du bus, en attendant que les places du fond se libèrent.
Le trajet
Près de 160 kilomètres nous séparent de notre lieu d’arrivée. Nous en profitons pour nous reposer un peu, en profitant des paysages qui se succèdent.
Le chauffeur qui maîtrise bien son engin, parvient à conduire à une vitesse moyenne de 60 km/h, prévoyant bien 3 heures de transport pour rejoindre notre point d’arrivée.
Sur la route de bonne facture, nous traversons nombre de petits villages qui paradoxalement se ressemblent tous en présentant quelques caractéristiques qui les différencient. Ambuqui, Bolivar, La Paz, San Gabriel…tous possèdent par contre une ou plusieurs églises, ainsi que des marchands ayant colonisé les trottoirs pour y vendre des produits de premières nécessités. Des sortes d’épiceries minutes qui permettent à des milliers de personnes de vivre sur un maigre salaire, souvent le seul des familles, le taux de chômage dans le pays étant très élevé.
Après un arrêt rapide sur le bord de la route, le chauffeur nous autorise à rejoindre le fond du bus pour y terminer notre trajet. Nous nous saisissons de nos affaires et rejoignons quelques places au-devant de la banquette, sur laquelle, un vieil homme, affable est assis en son milieu. Nous le saluons après qu’il nous a souri et nous nous asseyons confortablement sur ces sièges moelleux qui semblent à la manière des matelas mémoire de forme, s’adapter à notre ossature.
Lorsque nous voyageons, nous prenons d’infimes précautions. Outre la méfiance que nous avons lorsqu’un inconnu nous sollicite, nous avons pris grand soin de séparer en deux, nos affaires. Dans nos gros sacs, nous plaçons les habits et les objets usuels, alors que toujours sur nous et avec nous, nous emportons nos biens les plus précieux, principalement dans un sac.
C’est ainsi que je conserve sur moi, un sac de 30 litres en contenance qui contient outre nos papiers, ma caméra ainsi que mes objets électroniques. Ce sac, que je porte toujours sur mon dos est harnaché à mes pieds au travers de sa sangle, lorsque je mange par exemple dans un restaurant ou que je patiente sur un banc.
Et lorsque je le porte sur moi, à plusieurs reprises, je le palpe pour voir si son volume est approximativement le même que d’habitude. C’est ainsi que je suis continuellement rassuré sur la présence de mes affaires, dont ma caméra…ou du moins de mon appareil photo qui fait office de caméra.
Durant le trajet, quand bien même, je m’assoupis, je porte mon sac sur mes genoux en essayant de placer la fermeture éclair d’ouverture contre moi, ce qui me procure un sentiment de sécurité indéniable et alors que les paysages montagnards continuent de défiler, mes yeux se ferment et je commence à m’endormir quelques instants, tandis que dans le bus, un vieux film est diffusé sur les deux postes de télévision présents.
L’arrêt du bus
Lorsque j’ouvre les yeux, le bus vient de s’arrêter afin de faire une pause. Étant donné que nous voyageons avec deux enfants : l’un de quatre ans et la plus grande âgée de 16 ans, je place le sac sur les genoux de ma compagne et rejoint l’extérieur du bus afin d’acheter quelques boissons fraîches.
Je remarque que le vieil homme qui se trouve derrière nous, a placé sur ses jambes une petite couverture. La scène est touchante ; les yeux fermés, un léger sourire au niveau de ses commissures labiales lui donne un côté attendrissant.
Au bout de quelques minutes, le chauffeur procède à l’appel de ses passagers ; je retourne dans le bus et distribue les boissons. Je remarque alors que le vieil homme qui quelques instants auparavant était en train de dormir, a disparu. Je ne m’inquiète pas plus que ça et considère qu’il a dû se choisir une autre place dans le bus.
Nous nous retrouvons ainsi seuls à l’arrière pour parcourir les quelques derniers 50 kilomètres nous séparant de la frontière colombienne.
La découverte du vol
Alors que le bus démarre et s’engage sur la route, je récupère mon sac que je pose juste à côté de moi. Je distribue les boissons et me pose contre le dossier de mon siège, afin de me reposer encore un peu avant de parvenir jusqu’à la frontière, ce qui ne devrait pas prendre plus d’une heure.
Mais, je ne parviens pas à fermer les yeux. Au bout de quelques instants, je ressens un véritable feeling négatif, une sorte de pressentiment étrange, obscur…comme je n’en avais jamais eu.
Je ne sais pas ce dont il s’agit, mais l’ambiance dans le bus devient subitement lourde, pesante. Je regarde vers l’avant, les passagers se meuvent au ralenti. A la télévision, le film semble statique, figé.
Devant mon siège, une femme s’assoupit aux côtés d’un garçon adolescent qui pianote son téléphone. De l’autre côté de la femme, un couple se dorlote. Rien ne peut me guider vers ces mauvaises pensées dont je ne parviens pas à les faire prendre forme, un peu comme si mon subconscient m’obligeait à rester vigilant.
Je regarde les membres de ma famille pour voir s’il ne manque personne. Un…deux…trois. Le compte est bon. Mais, en analysant la scène depuis notre départ, outre l’absence du vieil homme, un seul manquement est à signaler. Une simple divergence : mon sac…que j’ai pu soulever pour placer à mes côtés beaucoup plus facilement que d’habitude.
Un monde qui s’écroule
Je tourne mon regard, il est toujours présent sur le siège où je l’ai placé. Je le regarde et sans savoir pourquoi, je ne parviens pas à le palper…le sentiment de connaître déjà la réponse sans le savoir. Il me semble moins bombé, moins gros que d’habitude.
Et un peu à la manière d’un saut à l’élastique dans lequel, on se lance après mûres réflexions, je me force à le toucher et lorsque je vois ma main s’enfoncer par l’extérieur, je sens que mon appareil réflex n’est pas présent, mon outil de travail, mon bien le plus précieux.
Afin d’exorciser ce doute qui commence à grossir, je me touche le cou pour voir si je ne le porte pas sur moi, un oubli qui me serait à cet instant, salvateur. Mais, rien. Je regarde en-dessous du siège…toujours rien. Je questionne mes proches, tout en connaissant déjà la réponse, un peu pour me persuader qu’il y a de l’espoir. Leur réponse et leur regard de mon teint blafard est en soi une réponse.
Se faire voler est toujours une catastrophe dans un voyage, un acte qui empiète sur son existence même. Mais se faire voler son appareil, le seul possédé, alors qu’une longue partie de ce dit-voyage est encore programmé, va jusqu’à mettre en péril l’intégralité de ce qui avait été prévu. A cet instant, le monde s’écroule autour de moi. Une grosse boule au ventre apparaît, me tétanisant sur place. Ma respiration devient haletante et dans ma tête, se déroule le fil de l’intégralité de mes actions passées. Un rembobinage qui me permet en l’espace de quelques secondes, de voir ce qui a pu se passer et si, quand bien même cela ne sert à rien, explorer toutes mes responsabilités.
Malheureusement, je ne vois pas ce que nous aurions pu faire pour se prévaloir d’une telle situation. Aucune responsabilité, mais ce sentiment de culpabilité qui demeure. Des milliers de questions apparaissent en instantanée. Des milliers de mondes parallèles émergent. Placer le sac différemment ? Retirer l’appareil ? Ne pas sortir ?
Rapidement, je reprends mes esprits. Mais avant cette clairvoyance provoquée certainement par un fort taux d’adrénaline qui me protège de tout danger éventuel, une sottise clairement, étant donné que le danger est déjà consommé, je souhaite uniquement rentrer, retourner en France. Je le dis à haute voix.
Mais, je n’en ai pas envie. Pas envie d’abandonner, pas envie de faiblir. Je réfléchis s’il est possible d’acheter un autre appareil. Ou continuer de filmer avec les caméras qu’il me reste. Peut-être avec le téléphone portable. Mais, impossible. Je souhaite partager avec le monde, des images de qualité et indéniablement, les autres solutions ne me sont pas optimales. Tant de pays doivent encore passer sous le coup de mon regard. Et des pays mythiques, qui m’attirent depuis trop longtemps : Panama, Costa Rica, Nicaragua, Guatemala, Salvador, Cuba, pour ne citer qu’eux.
Au sein de ce long voyage qui nous voit en indépendant en un seul bloc, visiter toutes les contrées d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale, retrouver mon appareil est la seule solution possible…la seule existante.
L’appel à l’aide
Je reprends mes esprits et me dirige vers le chauffeur. Alors que le bus est toujours en circulation et dans un Espagnol, qui devient instinctif, alors que depuis le début du voyage, il est plutôt approximatif, je lui explique la situation en lui demandant avant tout préambule, de garer son engin sur le bas-côté.
Voyant mon regard déterminé, il ne cherche pas à savoir pourquoi et s’exécute. Je lui explique alors que mon appareil a été volé, alors que je me trouvais au fond du bus et que je suis dévasté. Je lui explique également que depuis de nombreuses années que je voyage, je n’avais jamais subi un tel vol. Que je suis dans l’obligation d’écourter mon programme qui aurait dû me conduire jusqu’à Cuba et que je souhaitais montrer le beau visage de l’Équateur et que ce visage sera à jamais terni par ce que je viens de subir.
Je sais qu’il n’est pour rien dans ce vol, que personne n’y est pour quelque chose…Ni les passagers, ni mes proches. Ni même moi…quand bien même essayer de trouver des responsabilités autres est une des phases normales d’un deuil, d’une perte ou d’une séparation.
Non, la seule responsabilité est celle du voleur qui nous a dérobé ce bien. Du moins, ce ou ces voleurs, car en l’instant, nous ne savons toujours pas s’il a agi seul.
Une aide sans pareil des passagers et du chauffeur
C’est alors que le chauffeur me regarde, réfléchit quelques secondes et avant qu’il s’apprête à me parler, en me doutant un peu de ce qu’il va me dire : « malheureusement, vous ne le retrouverez pas, le voleur est déjà loin…vous n’avez pas de preuves…si vous voulez, vous pouvez vous rendre à la police…je ne peux rien pour vous…veuillez-vous asseoir… », deux passagers se lèvent, deux femmes que je ne pourrai plus décrire aujourd’hui, mais dont je me rappelle exactement ce qu’elles firent. Elles me redonnèrent de l’espoir, en décrivant avec précision le vieil homme qu’elles virent sortir du bus discrètement, un sac rouge sur le dos, un vieil homme qui se trouvait dans le fond, une couverture sur les genoux…
Une fois la parole libérée, les nombreux passagers restants dans le bus se lèvent à leur tour et dans une cacophonie ordonnée apportent leur précision, chacun plaçant sa pierre sur l’édifice de la vérité. Détail après détail, nous en apprenons un peu plus sur le vol.
Alors que le bus circulait, le vieil homme plaça sa couverture sur lui et avec une grande dextérité, en profita pour déterminer le moment de somnolence adéquat qui lui permis, tout en restant recouvert par sa couverture, de rapprocher sa main, discrètement du sac pour en retirer l’appareil qui avait déjà disparu, sans que je n’en rende compte, avant l’arrêt fatidique.
Les passagers présents insistent sur le fait que le chauffeur doive prévenir la police, que l’image donnée par ce vol est une honte pour le pays et que cette affaire se doit d’être une priorité.
Le chauffeur pris ainsi à partir se saisit de son téléphone et passe un appel à sa direction en expliquant qu’un reporter présent dans le bus vient de se faire voler son outil de travail et que le dossier est une extrême urgence.
L’arrivée de la police
Il raccroche, me regarde sans rien dire et reçoit un appel. Il acquiesce sans que je parvienne à écouter une bribe de cette conversation masquée par les bruits ambiants, tandis que les passagers, les uns après les autres tentent de fournir, au collègue du chauffeur, des détails sur l’homme et sur les éventuels complices qu’il aurait pu avoir.
Le chauffeur, une fois le téléphone raccroché, m’explique que sa direction prend l’affaire au sérieux et qu’il ne saurait être question d’un vol, premièrement dans un de leur bus et secondement, dans le pays, qui tente de diffuser de lui une belle image de lui à l’international.
Alors que nous patientons aux abords du bus, afin de nous déstresser, sachant que comme pour une disparition, plus les minutes passent, plus ce temps qui s’écoule amoindrit les chances de retrouver une personne manquante, nous ne nous faisons néanmoins plus d’illusion. Retrouver ce voleur serait un véritable miracle et récupérer notre appareil, une hypothèse à laquelle nous ne croyons plus.
Après quelques minutes, nous entendons une sirène se rapprocher. Se gare alors devant nous, un véhicule de police, puis un deuxième et enfin un troisième. Près de 10 agents nous entourent.
Nous les saluons et pendant qu’un d’entre eux nous pose des questions, d’autres entrent dans le bus et interrogent le chauffeur ainsi que les passagers, qui à l’unisson, ressassent les moindres détails dont ils peuvent avoir souvenance.
Une fois que les policiers ont récolté toutes les informations, ils partent en trombe en ayant pris grand soin de récupérer le numéro de téléphone portable du chauffeur.
Un véritable miracle
Quand bien même, nous avons perdu espoir de retrouver notre voleur, l’arrivée de ces policiers ainsi que le comportement empathique des passagers et du chauffeur, qui acceptent sans se plaindre de patienter avec nous et de voir leur trajet prendre un retard qui se compte à présent en heures, nous réchauffe le cœur.
Nous remontons dans le bus et en espagnol, nous remercions toute l’Assemblée présente qui au travers de ses différents regards nous rend notre humanité. Les émotions sont intenses, mais infiniment moins fortes que celles que nous ressentons lorsque le chauffeur qui vient de recevoir un appel nous prévient qu’une bonne résolution de cette affaire est peut-être sur le point de se produire.
Immédiatement, nous le questionnons, ébahis. Mille questions nous surviennent, mais le chauffeur n’en sait pas plus. Il nous faut attendre l’arrivée d’une patrouille composée de deux agents qui arrivent dans la foulée pour en savoir plus.
Les policiers nous annoncent sans prendre de gant qu’ils pensent avoir retrouvé le voleur, grâce à la description détaillée des passagers et nous demandent s’il possédait un sac rouge. Une des passagères, un peu curieuse, répond par l’affirmative.
Le policier sourit et nous annonce que notre appareil a peut-être été retrouvé, mais que pour plus de sureté, il nous faut les accompagner.
Un immense soulagement nous envahit, suivi directement par un doute. Du moins, par des dizaines de doutes. En réalité, nous n’y croyons pas…ou nous tentons de ne pas le croire afin de ne pas être déçus inutilement.
Avant de rejoindre les agents, nous saluons et serrons contre nous les passagers, qui sans nous connaître, nous réconfortent et nous dévoilent le vrai visage d’une humanité, constitué d’entraide et de partage. Nous restons quelques instants sur place, statiques, pour ressentir toutes les belles ondes envoyées et rejoignons ensuite la voiture de police dans laquelle nous montons à l’arrière. A quatre, un peu serrés, mais le cœur léger de nous dire que nous nous rendons peut-être vers la poursuite de notre voyage.
La découverte du sac
Après une quinzaine de minutes de route, alors que fébrilement, nous découvrons le paysage défiler devant nous, nous nous rapprochons de la ville de San Pedro de Huaca que nous avions dépassée peu de temps auparavant.
Durant le trajet, les policiers sourient sans trop nous en dire, un peu comme s’ils savaient mais qu’ils souhaitaient volontairement nous faire mariner.
En ce qui nous concerne, nous doutons. Et si les policiers s’étaient trompés de cible ? Et si le voleur n’était en réalité pas le nôtre ? Il est si inconcevable de pouvoir retrouver notre bien, qui plus est, en Amérique du Sud, que cette chance est si hypothétique qu’elle en est irréelle.
En arrivant aux abords de la ville, nous nous arrêtons aux abords d’un chemin non loin duquel deux autres véhicules de police sont déjà stationnés. Nous descendons et nous nous précipitons vers les policiers qui forment un arc de cercle autour d’un sac rouge, posé à même le sol.
Sans demander aucune permission, nous l’ouvrons et nous découvrons avec stupéfaction notre appareil que nous reconnaissons immédiatement. Mais, paradoxalement, nous avons l’impression de rêver, que ce que nous vivons est imaginé.
Nous nous attendons toujours à ouvrir les yeux et à nous trouver devant le bus, l’appareil toujours manquant et que ces retrouvailles n’auraient été qu’une des réalités parallèles diffusées dans nos têtes, suite au choc de la découverte du vol.
Ce n’est qu’au bout de quelques minutes que nous reprenons nos esprits et vivons pleinement cette nouvelle. Effectivement, nous avons retrouvé notre appareil. Le miracle a eu lieu.
Dans le sac, nous trouvons également une paire de lunette de soleil qui nous a été dérobé sans que nous l’ayons remarqué, étant trop occupé à rechercher la pièce majeure du vol.
Les policiers nous expliquent alors qu’avec la description du voleur, ils ont pu interroger les villageois, jusqu’à en trouver un, qui les a dirigés vers un petit magasin dans lequel l’homme a tenté de vendre sans y parvenir le bien. Avec une direction indiquée, les policiers ont pu apercevoir le voleur, qui a leur vue, a laissé son sac sur le sol et s’est sauvé à travers champ.
Quand bien même, nous pensons que le voleur a été laissé sciemment en liberté, nous ne cherchons pas en savoir plus et prenons nos anges gardiens dans nos bras pour les remercier chaleureusement. Ils auraient pu garder l’appareil pour eux, sans rien dire et je n’en aurai jamais rien su. Mais, ils ont choisi de respecter la valeur de leur uniforme et je leur en serai à jamais reconnaissant.
Dans la foulée, afin d’appliquer la loi du talion, les policiers me remettent le sac du voleur afin que je le garde. Ils doivent savoir pertinemment qu’il ne m’appartient pas, mais c’est pour eux… nous le pensons… la manière de faire payer à cet homme, son acte.
Tout d’abord, hésitant, je le récupère et le place dans le véhicule des policiers, qui pour ne pas prendre de risques, décident de nous conduire personnellement à la frontière. Ils me remettent également la chemise que l’homme a jeté précipitamment lors de sa fuite.
Un voleur professionnel
Durant le trajet final, les policiers sont souriants ; dans la voiture, l’ambiance est détendue. Un peu par paranoïa, je tiens fortement mon sac contre moi, avec l’appareil bien en évidence autour de mon cou. Une manière de conjurer le sort et de ne pas revivre ce que j’ai vécu.
Après avoir salué les policiers en les prenant dans mes bras, nous nous asseyons dans un café et soufflons un peu de cette aventure que je n’aurai jamais souhaité vivre. Nous décidons de vider le sac afin de voir ce qu’il contient.
A l’intérieur, nous découvrons tout un arsenal du parfait voleur. Plusieurs rasoirs pour avoir l’air propre, du talc pour ne pas suer, de fausses lunettes pour donner un côté rassurant, du dentifrice, deux téléphones portables, deux portefeuilles vides et des laisses de chien que l’homme a certainement dérobé dans la journée.
Conclusion
Nous avons eu ainsi à faire à un voleur professionnel. Vieil homme, bien présentable, souriant, rien n’aurait pu nous mettre la puce à l’oreille. Après mûres réflexions, il se peut également que le long voyage déjà effectué nous a renforcés et mis en confiance. Une foi réellement néfaste qui nous a fait baisser notre garde, conduisant peut-être partiellement à ce vol.
Mais, forts de cette nouvelle expérience et en serrant précautionneusement nos affaires contre nous, nous quittons ce pays magnifique qui nous a procurés tant d’émotions. Pour le meilleur et pour le pire.
Nous avons conservé la chemise du voleur durant toute la fin de notre voyage, pour la garder avec nous à notre retour. Depuis, elle orne la pièce que nous avons aménagée et qui comprend des souvenirs de tous nos voyages. Et il arrive souvent qu’au détour d’un regard, nous posons nos yeux sur elle, afin de ne jamais oublier que les apparences sont trompeuses et que les loups se déguisent souvent en brebis.
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