Notre rencontre avec les Indiens Emberá du Panama

Il y a des occasions durant un voyage qui marqueront durant une vie. Mais, il existe des expériences magiques qui changent à jamais. Une de ces rencontres s’est déroulée au cœur du Panama avec les Indiens Emberá ou du moins les Amérindiens Emberá, une tribu qui nous a permis de découvrir un mode de vie ancestral unique.

Les Indiens Emberá sont des indigènes du Panama, un pays d’Amérique centrale frontalier avec le Costa Rica et la Colombie ; ils font partie de l’un des 7 groupes ethniques encore présents dans le pays avec : les Kunas, les Wounaan, les Ngobe, les Bugles, les Teribes et les Bris-Bris.

A l’origine, les Indiens Emberá viennent de l’extrême Est du pays, à la frontière avec la Colombie, dans la région du Darien, une frontière naturelle entre l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud. Mais, depuis 1952, les FARCS, les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie, des rebelles marxistes, mènent une guérilla contre le pouvoir colombien et utilisent ce territoire pour développer leurs activités criminelles. Du fait de la dangerosité de la zone, nombre d’Indiens Emberá ont choisi de quitter les terres de leurs ancêtres pour élire domicile sur les rives du Rio Gatún, un fleuve du centre du pays, situé au cœur de la Nationale 3 qui relie Colon à Panama City.

S’il est possible de trouver des Indiens Emberá dans la région du Darien, il faut savoir que la route qui mène à eux est longue est complexe. Près d’une semaine de transport pour s’enfoncer dans la jungle et les rencontrer.

En ce qui nous concerne, n’ayant pas le temps d’effectuer cette route, nous avons choisi de contacter les membres vivant sur le Rio Gatún. Deux possibilités se sont ainsi offertes à nous : soit de passer par une agence locale, soit de les contacter directement. Ainsi, dans un petit village qui se trouve sur le Rio Gatun et après quelques discussions, nous parvenons à récupérer un numéro de téléphone que nous composons. En Anglais, nous trouvons un accord avec un des membres du clan et choisissons la formule 2 jours et 1 nuit permettant une immersion dans leur culture au sein de leur village.

Pour joindre directement les Indiens Emberà, faut se rendre sur leur site officiel : http://www.emberaquera.net ou les contacter sur les numéros suivants : 00 507 6703-9475 ou le 00507 6728-5987

En évitant les agences, il est possible d’économiser 50 % du prix ; en effet, passer 2 jours et une nuit en compagnie des Indiens revient à 110 dollars par personne directement sur le site officiel, alors qu’une agence demandera près de 220 euros pour les mêmes prestations.

Pour découvrir notre récit de voyage complet au Panama, n’hésitez pas à vous rendre sur le lien suivant : https://hors-frontieres.fr/recit-de-voyage-panama/

Un chemin délicat pour aller à la rencontre des Emberá

La personne que nous avons au bout du fil nous fixe un rendez-vous dans la journée aux abords d’un pont, que nous parvenons à trouver après plus d’une heure de recherche.

Nous garons notre voiture de location sur un parking privé et rejoignons les abords du Rio Gatùn. Après 30 minutes d’attente, nous voyons au loin se rapprocher, une pirogue dirigée par un Amérindien, vêtu de son pagne traditionnel.

Il nous salue et nous présente les autres passagers déjà présents sur la pirogue qui nous aident à nous engager sur l’embarcation, après y avoir entreposé nos bagages. Avec un regard sérieux, il s’engage sur le fleuve en effectuant une manœuvre délicate pour éviter les nombreuses branches dont nous pouvons, dans l’eau, apercevoir les parties émergées.

Les cheveux dans le vent, je me détends au cœur d’une nature qui se laisse découvrir avec lenteur. Les paysages défilent et le capitaine qui tient la barre souhaite être de retour au village avant la tombée de la nuit.

Nous sommes accompagnés de plusieurs passagers : un membre du village, travaillant dans la ville proche de Gatún, vêtu d’un jean et d’un T-shirt ainsi que de la femme du piroguier et d’un voisin, venu l’accompagner pour ce trajet qu’il a l’habitude de faire plusieurs fois par semaine.

Le village se trouve à quelques heures de pirogue. Impatients d’arriver, nous ne tenons plus en place. Notre capitaine décide d’accélérer le mouvement. Portés par les mouvements du fleuve, les arbres défilent à grande vitesse ; nos regards parcourent cette longue ligne verdoyante en cherchant des animaux qui nous pourrions observer et qui pourraient casser la monotonie du trajet. Mais en vain, les puissants moteurs de l’embarcation causant avant même qu’on les aperçoit, leur fuite.

Après plusieurs heures de navigation, nous pénétrons sur un lac où notre capitaine s’amuse à la manière d’un pilote tirant le frein à main de son véhicule pour déraper, à effectuer quelques mouvements brusques en courbe. Le piroguier rejoint ensuite un petit cours d’eau se repérant grâce à un petit panneau sur lequel est inscrit : « Emberá Quera Panama Canal village ».

Sur ce bras du fleuve, que le capitaine parcourt à vitesse réduite, une vitesse rendue obligatoire par les variations de niveau de l’eau et la présence de caïmans, nous en profitons pour somnoler un petit peu, afin de reprendre des forces et avouons-le, pour que le temps, notion relative, s’écoule un peu plus rapidement ou du moins qu’en en voit moins ses effets.

C’est alors que nous sommes extirpés de notre torpeur par le capitaine qui s’extasie : « Emberà village, Emberà village » Nous ouvrons les yeux. Face à nous, une multitude de petites cabanes dont nous apercevons les toits en paille. Quelques manœuvres plus tard, le piroguier s’amarre à un petit ponton de bois.

Un village hors du temps

Une fois la pirogue amarrée, nous nous engageons dans le village. Nous n’avons même pas le temps de quitter le petit ponton en bois, que nous sommes accueillis par tous les habitants du village qui nous accueillent avec une fraternité galvanisante. Alors que les adultes nous serrent la main, les enfants qui se trouvent un peu à l’écart nous regardent avec insistance, une scrutation teintée d’un brin de curiosité.

Nous sommes invités à suivre les habitants en traversant une partie du village pour rejoindre la hutte centrale ouverte sur l’extérieur où nous sommes exhortés à nous asseoir. Les uns après les autres, les habitants se présentent à nous, nous obligeant à faire de même, une sorte de discours malhabile où nous avons plus l’impression de faire partie d’un groupe de parole, lors de ses présentations dans lesquelles les prénoms sont répétés en chœur.

Une fois le protocole accompli, nous sommes conviés à découvrir le village, qui est un véritable paradis. Autour de la hutte centrale, les maisons en bois construites sur plusieurs niveaux donnent l’impression d’une construction sans agencement véritable, mais en réalité, toutes les habitations ont été conçues sur des terrains qui ont été distribués par le gouvernement panaméen en respectant scrupuleusement une égalité entre les familles.

Nous faisons connaissance avec la hutte qui comprend l’école, dans laquelle, un professeur de la ville vient une fois par semaine durant 3 jours pour effectuer la classe.

Au milieu des habitations, nous pouvons enfin prendre notre temps et découvrir ce mode de vie si éloigné du nôtre.  A l’intérieur de ce paradis terrestre, nos sens sont en éveils. Une agréable odeur de fleurs pénètre nos narines. Les Heliconias d’un rouge vif embaume le village et notre odorat avec.  L’ouïe n’est pas en reste. Le chant des oiseaux se mêle aux cris rauques des toucans. Un peu plus au loin, nous pouvons reconnaître des singes hurlants ; le mouvement qu’ils effectuent dans les arbres disperse les feuillages au travers d’un son hautement reconnaissable. Si nous tendons l’oreille, nous pouvons entendre les soubresauts de l’eau d’une rivière qui semble couler en contrebas.

Nous sommes plongés dans les tréfonds d’une nature luxuriante. Nous avançons sur une pelouse d’un vert pouvant frustrer n’importe quel joueur de golf. Le bois des habitations se marie dans cet univers que nous croyions capable d’exister uniquement dans des documentaires télévisuels. Mais pourtant, nous y sommes… en l’instant, parfaitement intégrés.

Les adultes hommes sont vêtus uniquement d’un pagne qui cachent leurs parties génitales et leur tombe jusqu’aux genoux. Les femmes, en ce qui les concerne, portent des robes au tissus colorés qu’elles attachent au niveau de la poitrine.

D’un point de vue administratif, les indiens Emberá vivent en famille, sans avoir ni chef ni structures politiques. La situation est un peu différente dans ce village, puisque les résidents sont des sortes de réfugiés politiques expatriées du Darien et se sont regroupés en communauté. Dans le but d’avoir plus de poids face au gouvernement central, ils se sont regroupés en association culturelle dirigée par une famille et subsistent partiellement grâce à la pêche et surtout au tourisme, seule solution leur permettant de préserver leur identité et leurs traditions.

Une immersion dans la vie locale

Alors que nous nous trouvons au cœur du village ou du moins, un peu dans ses hauteurs, plusieurs hommes s’affairent à construire une nouvelle cabane en bois qui servira à accueillir un nombre de touristes plus important. Trois des hommes se trouvent sur un étage et accueillent par un système de poulies ingénieuses, de lourdes planches qui une fois réceptionnées, sont immédiatement placées les unes sur les autres et attachées avec des morceaux de lianes…et des clous, évolution oblige.

Pendant ce temps, dans la hutte centrale que nous retrouvons après notre tour du village, plusieurs femmes confectionnent des objets de décoration, qu’elles revendront sur les marchés de la capitale, de temps en temps lorsque la collectivité a besoin de liquidités.

Nous observons attentivement ce petit monde fonctionner en autarcie, lorsqu’une dame un peu plus âgée arrive à notre hauteur ; elle nous salue et se présente à nous ; elle est la femme du doyen du village, qui fait également office de druide…ou de médecin, en utilisant le potentiel des plantes de la forêt. Elle nous explique également dans un Anglais impeccable qu’elle est à l’origine de l’implantation des indiens Emberà dans le village et le développement du tourisme.

Son histoire est assez commune aux personnes, qui, de par le monde ont permis à certaines populations locales d’accéder à la modernité. Dans son village, ses parents qui souhaitaient qu’elle étudie, lui ont permis d’accéder à la ville et elle a pu aller à l’université. Une fois ses diplômes en poche, elle a utilisé ses connaissances pour permettre à ses proches de quitter leur terre pour se rapprocher de la capitale et créer cette petite communauté qui permet à des touristes du monde entier d’accéder à leur culture.

Car, la particularité de ces indiens Emberà est de se trouver à la lisière entre tradition et modernité. Si ces Amérindiens vivent de manière traditionnelle, ils ne sont pas totalement coupés de l’occidentalisation de la vie quotidienne. Plusieurs enfants du village étudient à l’université et tous sont détenteurs aujourd’hui de téléphones portables avec lesquels ils peuvent communiquer lorsqu’ils rejoignent la ville proche de Gatún ou la capitale. Néanmoins, il convient de préciser que le village, assez éloigné de la ville la plus proche n’est couverte par aucun réseau, ce qui limite les accès oraux avec le monde extérieur.

En outre, comme on nous l’explique, lorsqu’ils doivent se rendre en ville, si certains d’entre eux gardent leur pagne, nombre d’entre eux se vêtissent d’habits plus modernes « plus facile pour se fondre dans le décor »

Par ailleurs, lorsque nous entrons dans la hutte de la femme, après avoir posé nos affaires dans l’habitation qui nous servira de chambre, une hutte comprenant des lits, recouverts par de grandes moustiquaires suspendues au plafond, nous découvrons un toit recouvert de feuilles de palmiers et plusieurs étagères en bambous qui supportent un fourre-tout paradoxalement bien ordonné.

Sur son plan de travail, une grille reliée à une bouteille de gaz lui sert à cuisiner. Les maisons ne possèdent pas l’électricité, mais en cas de besoin, un groupe électrogène est disponible.

La véritable histoire de Pocahontas…du moins, une variante

Depuis notre arrivée, notre fils de 3 ans, après avoir vu les habits traditionnels de nos hôtes, souhaite se vêtir identiquement à eux. Et plus rapidement qu’il n’en faut pour réfléchir à la question, les habits rapidement déposés sur le sol et un pagne sur le corps plus tard, le voici gambadant gaiement presque dans le plus simple appareil. C’est alors qu’une petite fille de cinq ans se présente à lui et sans rien demander, lui donne la main.

Un peu décontenancé, il accepte immédiatement et instinctivement ce rapprochement et devant le petit frère de la jeune Indienne, avec une once de jalousie dans le regard, s’éloigne avec sa dulcinée dans une des huttes voisines.

Un des Indiens, hilare enfonce le clou : « Aqui, son las Mujeres quines eligen a los hombres » ou en Français : « Ici, ce sont les femmes qui choisissent les hommes ! »  Sans le savoir, je suis en train de vivre en direct, l’histoire de Pocahontas en culotte courte.

 La scène digne d’un film hollywoodien est d’une tendresse sans nom. La jeune fille tire notre fils par le bras et le couple nouvellement constitué grimpe à l’échelle pour se retrouver dans une chambre au confort basique mais constituant un décor romantique.  En compagnie des parents de la petite nous les suivons jusqu’à la hutte.

C’est alors que mon fils vole à sa dulcinée un baiser sur la bouche ; à ce moment, la jeune fille s’essuie fortement les lèvres en agrémentant ce nettoyage instinctif d’un : « Pouah ! » suscitant une hilarité qui s’empare de tout le village. Une idylle est née ! Il vient de vivre son premier baiser et nous, une anecdote qui restera à jamais dans nos mémoires.

Une vie partagée entre traditions et désirs de modernité

Après notre fils, c’est au tour de notre fille de 16 ans de vivre une expérience inoubliable. Alors qu’elle pianote sur son téléphone portable en tentant de quitter désespérément l’absence indéfectible de la barre de réseau, elle est rejointe par une fille de 20 ans, qui lui propose de lui faire un tatouage traditionnel, la peinture sur corps revêtant un symbolisme fort pour la communauté.

La jeune femme, la place sur une sorte de siège confectionné artisanalement et commence à lui reproduire des motifs sur le haut du corps, tout en lui expliquant sa vie au sein du village. Elle se prénomme Alina et étudie à l’université de Panama city, qu’elle rejoint chaque semaine pour quelques jours. Elle lui explique ensuite qu’elle étudie le développement durable et l’horticulture, des domaines qu’elle souhaite maîtriser pour parfaire son village.

Lorsque ma fille la questionne sur son avenir, la jeune femme mentionne le fait qu’elle ne compte pas vivre dans le village, mais au contraire, dans la capitale, qui lui donne la possibilité de vivre à l’occidentale : de conduire une voiture, d’écouter de la musique, d’aller dans les restaurants. Mais qu’elle ne veut jamais trop s’éloigner de ses racines, tout en vivant une vie moderne.

Devant cette affirmation, son père qui est également le druide, fronce les sourcils, un peu décontenancé, voyant sans pouvoir intervenir, le pouvoir de la corruption de la modernité. Pourtant, explique-t-il, « nous avons tout ici ! De l’eau pour nous étancher notre soif, du poisson pour nous nourrir. Les touristes qui viennent nous visiter nous apportent l’argent nécessaire à la rénovation de notre village ainsi qu’à l’achat des biens que nous ne pouvons pas trouver sur place : essence, viande, boite de conserve…Je ne comprends pas cette volonté de quitter notre mode de vie »

Un soir d’aventure

Météo équatoriale oblige, une forte pluie se déclare en l’espace de quelques minutes. Nombre de villageois rejoignent les points d’eau afin de se laver. Nous nous rendons aux abords d’une petite rivière qui se trouve en contrebas du village et faisons la rencontre avec un couple, dénudé, qui se débarbouille, nullement gêné de notre présence.

Une fois notre toilette naturelle effectuée, nous nous rendons dans une hutte pour découvrir sur une sorte de table, nos plats : une soupe en entrée et du poulet accompagné de manioc. Le repas est délicieux et alors que la nuit tombe, des bougies nous apporte la lumière nécessaire pour parfaire notre début de soirée.

Le repas terminé, un homme vient nous chercher pour nous emmener dans une pirogue et partir à la chasse au caïman. Il fait nuit noire et nous pouvons apercevoir dans le ciel, des milliers d’étoiles qui nous illuminent. Accompagnés de la jeune amoureuse de mon fils à qui il donne la main, nous nous embarquons pour un périple en pleine nuit sur le fleuve du Rio Gatún.

Après plusieurs minutes de navigation, le piroguier armé de sa lampe frontale, aperçoit dans la nuit noire deux yeux rouges couleur sang. Doucement, il avance la pirogue et se saisit avec furtivité d’un caïman qu’il retire immédiatement de l’eau.

Dans l’embarcation, un sentiment de peur s’empare de la gente féminine présente. Le silence règne avant que les rires de la jeune Amérindienne qui se saisit de l’animal comme s’il était un chat de compagnie détendent tout le monde.

La simplicité d’une nuit simple

De retour dans notre hutte, après avoir traversé un village, simplement illuminée par la lumière émanant des étoiles qui brillent dans le ciel, nous pouvons profiter de la quiétude de notre soirée.

Naturellement, dans un silence perturbé par le mouvement incessant de ce qui nous semble être des moustiques, nous nous adonnons à une détente salvatrice…reposante.

Nous sommes en pleine communion avec la nature qui nous entoure. De temps à autres, nous entendons les vociférations de singes facétieux qui se déplacent de branche en branche. Nous nous abandonnons ainsi, au cœur de la nuit noire, dans notre coque protectrice ouverte sur le monde et qui ne nous protège ni du vent, ni des éléments. Mais paradoxalement, nous nous sentons en totale sécurité, pourtant livrés au monde, dénudé pour l’occasion mais vêtu de son plus bel habit : le naturel.

La découverte de la faune et de la flore locale

Aux aurores, alors que les animaux de la forêt se réveillent progressivement accompagnés des premiers rayons du soleil, la jeune Amérindienne nous rejoint en sautant sur le lit de notre fils qui ouvre les yeux et ne met pas longtemps avant de faire de même.

Le repas est prêt ; nous la suivons et prenons un petit-déjeuner à base de fruits frais et de galettes de riz. Nous sommes informés d’un départ imminent vers un autre secteur du Rio Gatún que nous allons découvrir.

Nous embarquons avec notre piroguier de la veille, sa femme et un enfant du village pour une heure de transport à toute vitesse sur les cours d’eau du Rio Gatún.  Nous faisons connaissance avec la flore et la faune locale. Sur la rivière, nous croisons un pêcheur qui se trouve sur une embarcation qui nous semble instable ; à l’aide d’un filet, il parvient à attraper plusieurs prises, dont certaines de belles tailles.

L’homme m’accepte au sein de son embarcation qui semble, à l’aide de ma présence, stabilisée. Il se saisit d’un fil sur lequel il a greffé un hameçon ; il appose dessus une mouche qu’il roule en boule avec ses doigts et pose le fil sur l’eau. En quelques instants, un poisson mord et j’ai l’honneur de le retirer afin de le poser dans le fond de son embarcation.

Je rejoins ma pirogue sur laquelle je me sens bien plus en sécurité et nous arrivons après trente minutes de transport, à un autre lac. Pour rejoindre le lieu de notre accostage, nous slalomons entre des troncs d’arbre omniprésents qui résonnent lorsque la pirogue les touche en les percutant doucement.

Sur la terre ferme, nous pouvons nous adonner à de nombreux jeux aquatiques, accompagnés dans notre bonne humeur par nos hôtes.

Après une heure de jeu, le piroguier emprunte un autre cours d’eau. Nous entrons dans une forêt épaisse et apercevons après avoir entendu des cris stridents résonner, plus d’une dizaine de singes hurleurs, excités par notre arrivée et tentant de nous impressionner.

Un des singes, un peu plus espiègle que les autres souhaite grimper sur notre pirogue. Il se rapproche dangereusement du bout d’une branche. Notre piroguier s’éloigne en nous expliquant que ces singes, outre leur côté attractif sont des voleurs rusés.

Et en nous éloignant, l’animal, constatant son désarroi, nous gratifie d’une moue triste et dubitative. Nous nous laissons apitoyer, mais fort heureusement, notre piroguier est un homme d’expérience ; il ne se laisse pas avoir.

Des adieux déchirants

De retour dans le village, nous sommes accueillis dès notre arrivée sur le ponton d’accostage par un aréopage de femmes parées de leurs plus beaux habits. Les femmes chantent en nous conduisant dans la hutte centrale.

De là, nous sommes placés autour de la piste. Les musiciens présents entonnent une mélodie rythmique. Le spectacle commence. Les femmes commencent à effectuer de nombreuses danses endiablées et nous délivrent une représentation de leur art tribal. Au travers de mouvements saccadés, elles se dandinent sur des schémas volontairement saccadés ; les percussions nous hypnotisent et nous ne parvenons pas à nous détacher de cette représentation envoutante.

Le départ

Une fois la représentation terminée, les salutations sont déchirantes ; nous serrons nos hôtes contre nous pour les remercier de leur accueil et de l’expérience immersive que la tribu nous a donné la possibilité de vivre.

Mon fils verse sa petite larme déchirante. La petite copine, qu’il ne reverra peut-être jamais plus est absente.

Et dans la pirogue qui nous emmène vers la modernité, des souvenirs pleins la tête, nos yeux s’embuent de toutes ces émotions que nous avons vécues. C’est alors que sur une petite colline, nous apercevons la jeune Amérindienne qui accoudée contre un arbre nous regarde nous éloigner. Il la voit ; elle le voit. Nous pouvons apercevoir malgré la distance que ses yeux semblent aussi embués ; un amour éphémère, innocent, juvénile qui marquera à jamais notre aventure. Pour elle aussi, ce fut probablement son premier baiser. C’est sûr, elle ne l’oubliera jamais. Et quand bien même, un océan les séparera, ils garderont en mémoire la mélancolie de l’instant.

Et en regardant mon fils de trois ans, triste de devoir quitter sa première histoire d’un amour dont il ne maîtrise pas encore les subtilités mais dans laquelle il s’est abandonné instinctivement, je me prends à rêver à une histoire qui ne pourrait être écrite que par des scénaristes hollywoodiens. Et c’est sur cette pensée que la pirogue fend l’eau et s’éloigne. Une scène de film…