Se baigner dans l’océan glacial Arctique par moins 10 degrés

Nous avons décidé lors de notre voyage dans le Grand Nord norvégien, de vivre une expérience en nous baignant dans l’océan glacial Arctique. Nous vous racontons au sein de cet article les ressentis et les difficultés face au grand froid, mais également la fierté de l’avoir vécu.

L’océan glacial Arctique s’étend sur une surface d’environ 14 millions de km2, ce qui en fait le plus petit des océans sur la planète. Il recouvre l’ensemble des mers situées entre le pôle Nord et les régions septentrionales de l’Europe, de l’Asie et de l’Amérique, communiquant avec l’Océan Pacifique et l’Océan Atlantique.

En son centre, la banquise mesure jusqu’à 4 mètres d’épaisseur. Cette épaisseur est atteinte par le glissement de plaques de glace les unes sur les autres.  Il englobe factuellement de nombreuses mers : mer de Norvège, mer de Barents, mer Blanche, mer de Kara, mer des Laptev, mer de Sibérie orientale, mer des Tchouktches, mer de Beaufort, passage du Nord-Ouest, baie d’Hudson, baie James, détroit d’Hudson, mer de Lincoln, baie de Baffin, détroit de Davis et mer du Groenland.

De primes abords, si l’océan glacial Arctique attire les intérêts du fait des conditions extrêmes qui lui sont associées, il n’apparaît pas dans l’esprit général la volonté de s’y baigner. Un peu comme l’Océan Australe dans l’hémisphère Sud entourant le continent Antarctique.

Pourtant, dans les contrées scandinaves, se baigner dans l’océan Arctique ou dans un lac gelé sous des températures négatives, sans se risquer à parler de banalité, est courant. Ainsi, c’est cette expérience que nous avons tenté nous aussi, galvanisés par une amie norvégienne et surtout avec l’idée que si nous le refusions, nous n’aurions peut-être plus jamais l’occasion de la vivre.

Une idée de primes abords inconcevable

Alors que nous sommes arrivés en Norvège depuis plusieurs jours, nous avons pu côtoyer l’Océan Glacial Arctique en ne cessant jamais de le longer pour nous rendre jusqu’au Cap Nord, le point le plus septentrional du continent européen puis en rejoignant la ville d’Hammerfest dans laquelle nous retrouvons Katrine Naess, une amie qui travaille à l’Office de tourisme de la ville et avec laquelle nous passons la journée.

C’est alors qu’au détour d’une discussion, dans un Anglais correctement maîtrisé, un peu comme tous les scandinaves, que Katrine, une belle jeune femme, la trentaine assumée, nous parle de cette expérience, qu’elle pratique de temps à autres et dont elle vante les mérites sur la circulation sanguine.

Sur le moment, emmitouflés dans nos épaisses couches de vêtements, nous sourions à l’entente de cette expérience que nous laissons bien volontiers aux scandinaves. En outre, dès le souffle oral d’une éventuelle baignade, nos corps se refroidissent, poussés par un vent glacial.

Il est sûr que l’océan glacial Arctique, quand bien même mythique n’est pas un océan dans lequel, le visiteur a de primes abords l’intention de s’y baigner.   En outre, en rejoignant la Norvège, nous n’avons pas pensé…comment dire…à supprimer toute pilosité disgracieuse…la plage sous ces températures ayant été pour nous, lors de la préparation de notre voyage, au mieux un support instagramable, au pire, une folie inconcevable.

Alors en début d’après-midi, à Forsol, lorsque nous découvrons la plage de sable qui se trouve à 8 kilomètres d’Hammerfest et que nous trempons nos doigts dans l’Océan, avec pour seul objectif de n’y laisser que cette partie du corps, il ne nous apparaît pas en prévision de nous y baigner. Répondant ainsi par la négative avec une conscience claire, à Katrine, que l‘expérience ne restera fondamentalement qu’un rêve.

Une expérience unique

Pourtant, se baigner dans l’océan Arctique, en hiver, reste machinalement une aventure hors du commun et c’est finalement ce sentiment d’inachevé qui nous aurait accompagnés si nous n’avions pas répondu aux sirènes de l’appel qui , il convient de le dire, nous a animés, lorsque pour la énième fois, nous nous sommes interrogés pour savoir si nous allions sauter le cap. Et ce n’est qu’en fin de journée, bien couchés dans notre lit en plein cœur d’Hammerfest, que nous prenons la décision de répondre à notre amie. Et si ?

Nous l’appelons ainsi et lui donnons sans entrain notre réponse positive ; les smiley qu’elle nous envoie en guise de réponse nous prouve sa joie d’être parvenue à avoir converti plusieurs novices à une de ses activités favorites…ou du moins appréciées.

Une réflexion bien murie

En rejoignant l’extérieur de l’hôtel, nous prenons conscience du froid ambiant. Moins 10 degrés. Et en sentant le vent glacial sur la petite parcelle de peau que nous avons laissé découverte au niveau de notre visage, nous hésitons si tant est que son arrivée soudaine nous oblige à ne plus faire marche arrière.

Une volonté qui s’effrite néanmoins, lorsqu’elle nous soumet trois lieux pour effectuer notre baptême aquatique glacial : A Forsol, pour bénéficier de la plage de sable découverte en début d’après-midi, mais qui présente l’inconvénient de devoir prendre la voiture pour s’y rendre. Face à nous dans le port, avec une échelle par laquelle descendre, mais avec le danger de ne plus pouvoir remonter et toujours à Hammerfest, un peu plus loin sur des rochers glissants. Autant dire que nous choisissons la plage de Forsol, que nous rejoignons en une vingtaine de minutes en circulant sur une petite route perforant la nuit noire.

En arrivant sur place, il nous faut encore marcher quelques minutes sur un ponton de bois posé à même le sol pour arriver sur une plage éclairée simplement par la lueur de la lune qui nous fait face. Katrine nous explique la démarche à suivre pour vivre pleinement l’expérience. Tout d’abord, ne pas porter d’objets en métal, qui pourraient coller à la peau. Ensuite, ne pas stresser pour ne pas contracter inutilement ses muscles,lever ses mains au moment de l’immersion et surtout, ne pas mettre la tête dans l’eau, pour ne pas fragiliser son cou tout en ayant les cheveux mouillés, synonyme de refroidissement à coup sûr.

Une expérience encadrée

Nous retirons tout d’abord nos chaussures et faisons l’erreur de poser nos pieds sur le sable froid, ce qui nous glace instantanément le corps. Rapidement, nous nous plaçons sur une serviette et continuons de nous dévêtir.

Dehors, bercés par les petits soubresauts des vagues d’une mer tranquille et éclairée uniquement par la lumière naturelle lunaire, nous nous détendons, ce qui donne à notre expérience un côté intimiste ; nous retirons le haut et enfilons avec une grande célérité, les robes de chambre que nous avons empruntées à l’hôtel.

Un dernier regard de Katrine qui s’est également dévêtue nous donne le top départ de cette expérience unique.

Courage et résilience : quand le mental contrôle le corps !

Nous constituons deux groupes, puis nous entrons dans l’eau, qui commence à nous recouvrir les mollets, puis les genoux. Le froid nous donne l’impression de nous paralyser, mais nous tenons bons. Dans nos têtes, mille interrogations nous tiraillent, mais tant que nos cerveaux nous permettent cette réflexion, nous nous trouvons encore en vie. Un peu comme l’homme qui tombe du cinquième étage et qui à chaque étage se dit que tout va bien.

En nous engouffrant dans l’océan, le contact de l’eau avec notre maillot de bain, puis notre ventre nous tétanise. Je commence à contracter les muscles ventraux et parvient à respirer de manière saccadée. J’ai si froid, ce qui me donne l’impression d’atteindre un point de non-retour. Seule l’immersion pourra bloquer ce sentiment qui me gèle le sang.

C’est alors que je me décide à m’immerger en un seul coup, d’un seul tenant. Mais, sans parvenir à savoir pourquoi, une fois plongé jusqu’à la limite de mon cou, réflexe mécanique, je replonge, mais cette fois-ci jusqu’à la tête. Je sens l’eau glacée à la texture étrange de l’huile me couler le long des cheveux. Une plongée si incontrôlée qu’elle m’oblige à boire un peu de cette eau qui m’a fait si peur.

En retournant vers le rivage, j’avale encore le reste d’eau que j’ai dans la bouche ; l’eau glacée semble présenter un taux de salinité moins important que l’eau d’une mer plus chaude, sans que je parvienne à dire si le jugement de ce taux n’est qu’une impression due au froid.

En sortant de l’eau, je me sens en vie. Paradoxalement, je n’ai pas froid, mon adrénaline me réchauffant le corps. Je tape la main de Katrine, heureuse d’avoir converti des dilettantes tels que nous et rejoins la serviette encore posée sur le sable, tout en me saisissant furtivement de ma robe de chambre avec laquelle je m’empresse de me recouvrir.

Je reprends progressivement l’usage de mes membres endoloris par le froid et parvient même à me sentir bien, un peu comme si la circulation de mon sang en avait été mise à jour. Une véritable sensation salvatrice de mon corps que je parviendrai cependant à retrouver pleinement uniquement dans la soirée sous une douche brûlante et après avoir admiré en plein coeur de la ville, les plus belles aurores boréales de mon existence.