Nord du Japon, les incontournables du Tohoku : manger du Fugu et survivre

Oublié des guides de voyage et préservé du tourisme de masse, le Tohoku et plus précisément la région de Yamagata donne la possibilité de vivre une expérience unique : manger du Fugu, le poisson le plus toxique du monde s’il n’est pas bien préparé.

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Cet article est le troisième de notre série consacrée à notre voyage dans le Nord du japon. Après avoir visité la ville de Murakami, nous avons vécu une expérience d’immersion avec les moines Yamabushis au coeur des trois monts sacrés du Shonai.

Nous continuons notre découverte de la région du Tohoku en compagnie d’Hiro san, notre réceptif local grâce auquel nous avons été mis en relation avec Derek, qui lui-même nous a obtenu un rendez-vous avec Takeshi Suda, un des plus grands maîtres sushis de la planète.

Pour vivre cette expérience je suis ainsi rentré en contact avec l’agence de voyage Odysway, basé en France qui nous a proposé de vivre ce concept unique.

Pour découvrir la première partie de notre récit photographique complet immortalisant notre voyage au Japon, n’hésitez pas à vous rendre sur le lien suivant : https://hors-frontieres.fr/japon-nord-partie-1-2-les-monts-sacres-des-moines-yamabushis/

Si vous souhaitez découvrir en photos la deuxième et dernière partie de notre voyage dans le Nord du Japon, il est nécessaire de vous rendre sur le lien suivant : https://hors-frontieres.fr/japon-nord-partie-2-2-de-tsuruoka-a-sakata/

Le marché aux poissons de Tsuruoka

Après notre immersion chez les moines Yamabushis, nous choisissons de vivre une après-midi détente, à profiter des onsens de l’hôtel Dai Ichi, et à manger un dîner sur le coude, nous rejoignons le lendemain Hiro San qui nous emmène de bonne heure au marché aux poissons de Tsuruoka, le marché étant situé non loin de la gare de bus.

A l’intérieur, nous découvrons une ambiance intéressante, les poissonniers ne tentant pas de prononcer à la criée des : « il est frais mon poisson » pour appâter le chaland. Au contraire, ils laissent le client s’approcher et répondent simplement à leurs interrogations. Les clients ne sont pas en reste ; ils touchent avec les yeux. Par ce fait, le marché aux poissons ne ressemble à aucun autre. Qui plus est, l’hygiène étant irréprochable, aucune odeur ne vient corrompre notre odorat par des relents pestilentielles comme nous avons pu le découvrir au cœur d’autres marchés découverts sur la planète.

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Le marché local de Tsuruoka

 

Juste à côté du marché aux poissons, le marché local de la ville propose toute une série d’étals tenus par une majorité de femme. Ici, se vendent les produits de la région, travaillés ou à l’état brut.

En arpentant les allées, nous sommes à plusieurs reprises arrêtés par des vendeurs qui nous proposent de goûter leurs produits. Parmi eux, le nanzenji-dōfu 南禅寺豆腐 aussi appelé oppai-dōfu おっぱい豆腐, tofu blanc de forme ronde traditionnellement servi baignant dans une sauce à base de soja ou la confiserie kitsunemen 狐面, petit biscuit fait de sucre noir en forme de masque de renard

Un peu plus loin, un stand nous propose des dadacha-mame, espèce de edamame (pois de soja japonais) typiques de la ville. Une vendeuse de poire nous fait sur le chemin l’éloge de ses produits face à un vendeur de saké qui tente de nous séduire en nous présentant des bouteilles de belle facture. Le riz de la région de Shōnai est reconnu dans tout le Japon, et plus particulièrement la marque de riz blanc Tsuyahime つや姫, très largement cultivé dans les plaines de Tsuruoka, qui est reconnue depuis 2010 comme un riz de « rang A » (classe la plus élevée) ; nous en achetons un petit échantillon.

Outre les poires, nous trouvons également des étals proposant des myrtilles, des figues, des cerises et des melons cultivés sous serres dans un lit de sable sous lequel est étendue une bâche plastique pour retenir l’eau.

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Le Kamo aquarium

 

Lorsque nous arrivons à l’aquarium Kamo qui se trouve au Okubo-657-1 Imaizumi, Tsuruoka, Yamagata 997-1206 et joignable au 00 81 235 33 3036 ou sur le site Internet : https://kamo-kurage.jp nous découvrons un grand bâtiment blanc ressemblant à un bateau stationné et figé pour l’éternité ; alors que la pluie qui tombe depuis le matin même redouble d’intensité, nous nous précipitons à l’intérieur.

Après avoir payé les 1000 yens de l’entrée, les agents de caisse nous sourient et nous remercient de notre venue, un processus qu’elles ne tardent pas à reproduire avec les clients qui patientent derrière nous.

Nous assistons au spectacle de plusieurs otaries qui tentent pour l’obtention d’un poisson, de rattraper en plein vol, un ballon, puis de le laisser en équilibre sur leur museau.

Refait intégralement en 2014, le Kamo aquarium a failli être déclaré en faillite, une première depuis sa création en 1930. Mais, c’était sans compter sur la découverte de la protéine fluorescente verte (la GFP) observée dans la méduse Aequoria victoria, par le lauréat du prix Nobel de Chimie de 2008 : le Japonais Osamu Shimomura qui a entraîné une résurgence des visiteurs, l’aquarium ayant été le seul au monde à disposer de cette espèce à ce moment précis.

Depuis, l’aquarium a fait le choix de se spécialiser dans les méduses, ce qui lui apporte une fréquentation annuelle de 400 000 visiteurs qui s’y pressent pour y observer la cinquantaine d’espèces de gélatineuses, soit la plus grande collection au monde.

Et ce sont ces méduses que nous découvrons un peu partout dans l’aquarium. Il y a bien ici et là, quelques espèces de poissons, mais aucun ne trouve grâce aux yeux des visiteurs qui se pressent devant les mets visuels de choix qu’ils admirent en faisant crépiter leurs téléphones portables.

Nous démarrons notre découverte du monde des méduses par le centre d’intérêt principal de l’aquarium : un bassin accessible au travers d’un rond qui laisse apercevoir des milliers de corps mous, avançant dans une sorte de symphonie.

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Juste à ses côtés, un autre bassin rectangulaire cette fois, dévoile des méduses transparentes éclairées par des néons de couleurs changeantes ; les méduses semblent animées de caractères différents en fonction des changements de couleurs.

Un peu plus en amont de l’aquarium, de nombreux bassins de formes différentes permettent au regard d’intensifier sa portée ; alternant les carrés et les tubes, les méduses évoluent dans un univers typique ayant pour similarité la possibilité de les découvrir de près.

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Le restaurant Gyosho Dining Okimizuki

 

Pour rejoindre le restaurant Gyosho Dining Okimizuki, nous n’avons pas besoin de sortir de l’aquarium ; il nous suffit de traverse le hall central.

Nous faisons connaissance de Takeshi Suda, un des plus grands chefs sushis et sashimis du japon ; le chef est joignable au 00 81 90 73 23 95 93 ou sur l’email : sudatakeshi1130@yahoo.co.jp

Le chef se trouve au centre d’une salle aux murs arrondis, sur lesquels de hautes vitres laissent pénétrer une lumière forte ; Takeshi Suda, un homme d’une trentaine d’années nous salue de la tête.

Dans un contenant en polystyrène duquel il soulève le couvercle, il se saisit d’un gros poisson :  un poisson Tai (Japanese sea bream) de plusieurs kilos ; le poisson se débat ; sur sa tête, le chef place une serviette, puis se saisit d’un poinçon et durant la technique dite du Ikejime, il le tue cérébralement en le lui enfonçant dans la tête. Le poisson cesse immédiatement de bouger.

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Le poisson est saigné afin d’évacuer le maximum de bactéries, puis son corps inerte est remis dans l’eau qui se colorie en un rouge vif. Le chef s’en saisit et lui sectionne la queue et à l’aide d’un fil de fer, retire le moindre nerf de sa colonne vertébrale. Le poisson est lavé à l’eau, puis à nouveau posé sur la table.

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Le chef se saisit d’un de ses couteaux.  Il commence à tailler avec précision, deux gros morceaux de chairs, qu’il lave une nouvelle fois à l’eau, mais de manière beaucoup plus délicate. Il parvient à placer les restes du corps du poisson en équilibre sur une assiette et commence à s’atteler à la préparation des sashimis qu’il découpe rapidement.

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Mais une fois l’assiette posée, le chef la fait retirer immédiatement et remplacer par une autre sur laquelle se trouve deux poissons à qui on a enlevé la peau et un autre à la forme similaire qui ne bouge presque pas.

La dégustation de Fugu

 

Il s’agit de trois Fugus, les poissons les plus dangereux de la planète, qui s’ils ne sont pas correctement découpés, provoquent la mort au travers de l’ingestion de la tetrodotoxine, un poison contenu dans une grande partie de leurs organes.

Pour pouvoir préparer le Fugu, le chef doit posséder une autorisation spéciale, obtenue après plusieurs années de formation ; dans les faits, seules quelques dizaines de chefs peuvent se targuer de l’obtenir.

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Le Fugu habillé se voit retirer la peau, puis à l’aide d’un couteau, le chef en retire les parties infectées, laissant après quelques minutes de travail précis, un poisson de couleur blanche, dont les filets sont retirés, puis découpés à l’aide d’un autre couteau à la lame beaucoup plus fine.

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Dans une assiette, grâce aux fins morceaux de sashimis qu’il découpe dans la chair, le chef reconstitue un cygne, qu’il agrémente grâce à quelques petites sauces de couleurs différentes. Il recouvre les ailes du cygne avec des paillettes d’or.

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Le chef travaille deux autres Fugu qu’il découpe de la même manière et nous invite à déjeuner. Nous avons la chance de pouvoir partager un repas de près de 2000 euros, le simple Fugu pouvant coûter jusqu’à 500 dollars.

Alors que mon ami Derek teste le poisson Tai, je me risque immédiatement à goûter le Fugu. Afin d’intensifier ce moment, je ne me servirai pas de fourchettes, mais de baguettes, quand bien même, je ne me sens pas trop à l’aise avec. Je prépare dans un bol un peu de sauce soja dans lequel je place un peu de Wasabi. Je me saisis d’un morceau de Fugu, que je trempe à l’intérieur.

La bouchée, si elle me fait un peu peur, énormément de personnes étant décédées en mangeant ce poisson, me procure des sensations indescriptibles tant le goût est totalement différent de ce que j’ai pu trouver jusqu’à aujourd’hui : la texture ressemble à du calamar, mais avec le goût prononcé du requin…une pointe de douceur du saumon et l’éclatement dans le palais de bulles de caviar…Un arrière-goût de poisson tout de même. Le repas est divin.

Je tente le poisson Tai, totalement exquis, puis je me fais servir par le chef quelques morceaux d’un autre poisson qu’il me sert au travers d’une préparation chauffée. Tout aussi délicieux. Je ferme ainsi les yeux et me laisse porter par le sens du goût, enivrant qui m’emmène pour un voyage dont je ne souhaite jamais le retour.

Le bilan

 

Jamais, au grand jamais, je n’aurai un jour penser pouvoir manger du Fugu. J’avais déjà longuement entendu parler de ce poisson et de la légende qui l’entoure. En outre, je savais que son prix était un frein important à sa consommation.

Grâce à Hiro San et surtout à Derek, le guide qui m’a accompagné au mont Haguro, j’ai pu vivre une expérience exquise te inoubliable. Souvent, en y repensant, je retrouve ou du moins tente de retrouver dans la bouche cette sensation. Je parviens non sans mal à ainsi faire perdurer cette expérience culinaire qui m’a plongée dans les méandres de mes fantasmes. Un véritable rêve éveillé.